Pays basque (été 2012)/littéraire/j5

De Entre Amis
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Jeudi 12 juillet, sare et ses palombières

Matinée

Le moral de la troupe est sérieusement regonflé : un coin de ciel bleu perce à travers les nuages qui se retirent. Les voitures sont garées dans une superbe forêt après Sare, autre village typique, où les traditions basques restent très vivaces. Le village servit de modèle à Pierre Loti pour le cadre de son roman Ramuntcho.

9 heures 15, nous démarrons par une belle grimpette dans la forêt, sous un beau soleil qui nous booste. L’allure est vive. Une halte pour admirer cette vue dégagée jusqu’à l’océan, et, après un bon raidillon dans la végétation haute, nous sommes déjà à un col (altitude 605 m), marqué par la borne frontière 39 et situé à l’ouest du sommet de l’Ibanteli. Patrice attire notre attention sur les bornes qui jalonnent la crête frontière ; leur numérotation facilite le repérage sur les cartes IGN. Les plus en forme poussent une pointe jusqu’au sommet de l’Ibanteli (698 m)par un chemin qui se redresse dans une zone un peu rocheuse. Beau belvédère avec son repère géodésique, d’où l’on découvre le col de Lizarrieta où nous allons déjeuner, la Rhune, la baie de Saint-Jean-de-Luz. Temps idéal !

Nous quittons notre sommet, rejoignons les copines qui ont sagement surveillé nos sacs et Patrice nous entraîne au col de Lizarrieta, à l’abri d’immenses tas de rondins de bois, des fûts de pins empilés, pour un pique-nique ombragé. Nous sommes à la limite du Labourd français et de la Navarre espagnole, la Communauté forale de Navarre. Sur l’adjectif foral et les fueros, Patrice rappelle les indications données le dimanche précédent.

Maïté part à la rencontre de sa belle-sœur, de son frère Christian et d’un ami, Jacques, Directeur à la retraite de la Fédération départementale des chasseurs des Pyrénées Atlantiques. Marie-Madeleine et Jacqueline nous ont rejoints en voiture.

Pique-nique animé. Jacques a porté sa gourde et propose à qui veut, de tenter de boire à la régalade. Pas si maladroits, ces BenBistes, même si le degré du très bon vin blanc est un peu élevé (15°) et surprend ! À la fin du déjeuner, nous investissons le seul café/venta présent. Le couple d’aubergistes est affolé par toutes ces abeilles qui vibrionnent; nous servons les cafés, débarrassons nos tasses, payons et quittons les lieux laissés impeccables. Merci à Bassée en Balade d’offrir le café et à Anita, Jacqueline et Jacques qui nous régalent avec le Turrón et le Mazapan. Un régal dont il ne faut pas abuser !


Après-midi, les chasses à la palombe expliquées par Jacques Lapeyre

13 heures 15. Après la rituelle photo pour la Voix du Nord, nous partons vers le chemin de crête à travers la forêt, au niveau du col de Lizarrieta, guidés par Jacques qui montre et explique avec précision les différentes techniques.

Nous sommes près d’Etxalar, grand poste de chasse à la palombe aux filets.

La palombe est un pigeon ramier migrateur de 400 à 500 grammes. Le goût sauvage de la chair est très apprécié. La chair est plus dure si l’oiseau a effectué beaucoup de voyages, 12 voire 15 pour certains. La chasse se déroule lors de la migration du nord vers le sud, de Russie vers l’Espagne et le Portugal, du 10 octobre au 10 novembre, principalement. En fonction des conditions climatiques, les palombes volent de 50 à 300 m d’altitude, à une vitesse pouvant atteindre 80 km/h environ et peuvent effectuer des étapes de 600 km par jour.

La chasse à la palombe est très prisée dans tout le sud-ouest. Les chasseurs prennent souvent leurs congés en octobre pour satisfaire leur passion. On compte de 20 à 21 000 chasseurs dans les Pyrénées Atlantiques et de 50 à 60 000 en Gironde.

Il existe trois sortes de chasse : la chasse au filet, la chasse en palombière et la chasse au tir au vol et à l’affût.

La chasse au filet a pour principe de capturer les oiseaux en vol, en les rabattant dans des cubes en filet appelés pantières. Seul un pour cent des palombes sont ainsi capturées vivantes sur l’ensemble des oiseaux qui passent à proximité des lieux de chasse. Cette chasse nécessite la participation de 20 à 30 personnes, les ouvriers-chasseurs qui travaillent pour le propriétaire du filet. Le partage se fait 50/50 ou 40/60 entre le propriétaire et les aides indispensables.
Cette chasse se déroule sur 10 sites légaux datant de l’époque de Louix XIII. Celui d’Etxalar fut crée en 1629. Il est impossible d’en créer de nouveaux. Ils peuvent se transmettre. Un site non utilisé une année est définitivement fermé.
Le cube, en mailles de nylon transparent, de taille réglementée, de 15 à 20 mètres de côté est ouvert, posé sur un col formant un entonnoir.
La technique est de rabattre le vol vers le cube en le travaillant de manière horizontale et verticale. Les rabatteurs s’emploient donc à canaliser le vol en direction du cube et de le faire baisser jusqu’au niveau du cube :

  • pour orienter le vol, ils utilisent les chatars, cabanes perchées à plusieurs mètres de haut d’où ils effrayent les palombes en agitant un grand bâton auquel est accrochée une plume d’oie fixée à une ficelle. Cette technique nécessite la coordination de plusieurs chatars disposés à des endroits précis pour s’avertir de l’arrivée d’un vol et de la façon dont évolue le vol. L’annonce se fait uniquement aux cris. Les talkies-walkies, téléphones et autres sont strictement interdits ;
  • pour faire baisser le vol, ils utilisent une observation que les bergers ont faite depuis plusieurs siècles à savoir que, quand on jette une pierre derrière ces oiseaux, ils plongent comme pour échapper au rapace prédateur, l’autour de la palombe, qui les attaque par-dessous. Donc, des derniers chatars, les paletiers envoient des palettes en buis qui ressemblent à des raquettes de ping-pong, derrière les oiseaux. Ceux-ci plongent brutalement de 300 mètres de haut à 3 mètres du sol. Les palettes sont lancées obligatoirement à la main et doivent être ramassées donc retrouvées d’où la nécessité de bien entretenir les lieux de passages des oiseaux.

Quand les palombes se sont engouffrées dans le filet, il est refermé. Les oiseaux sont récupérés et transportés dans des cages ou des sacs de blé. Les palombes vivantes sont vendues de 15 à 20 € contre 8 à 12 € les mortes. Elles sont recherchées par les chasseurs en palombières pour les appelants et par les restaurateurs. M. Jacques nous met l’eau à la bouche avec la recette de la palombe à l’entonnoir<ref name="ftn1">Recette de la palombe à l'entonnoir :

  • couper en deux une palombe fraîche et jeune si possible (1 ou 2 ans) ;
  • faire rougir sur la braise un pic en métal muni à une extrémité d’un entonnoir en fer ;
  • cuire les morceaux de palombes sur la braise, 10 minutes de chaque côté. Saler, poivrer, ailler ;
  • au moment de les servir, poser les gras de jambon vieux dans l’entonnoir rougi. Ils fondent an contact de la chaleur et arroser les palombes avec ce jus de jambon qui les caramélisent :
  • ajouter deux vieux cèpes.</ref>. Personne ne la connaissait.

À mesure de notre déplacement, les regards sont attirés par un vol de rapace que nous avons bien des difficultés à reconnaître, entre le vautour fauve, le milan royal, l’aigle et tous les autres. Jacques nous informe :

  • le vautour fauve, un des rapaces emblématiques des Pyrénées, de 2 mètres 40 d’envergure et le gypaète barbu de 2 mètres 90 d’envergure, sont tous deux protégés ; mais le devenir du gypaète, le plus rare rapace d’Europe, est incertain dans les Pyrénées. On compte 600 couples de vautours fauves qui ne mangent que des animaux morts. Le département a ouvert une dizaine d’aires de nourrissage bien déterminées, où étaient amenées les bêtes réformées. Dans les années 2 000, on a constaté que la population de gypaète barbu a diminué. Or il niche dans les mêmes falaises que le vautour fauve à qui le nourrissage a bien profité au détriment du gypaète qui n’avait plus de place pour nicher. Le nourrissage a donc été stoppé ;
  • la chaîne alimentaire est très organisée entre tous ces rapaces, grands et petits :
    • les corbeaux et les corneilles attaquent les bêtes de mort récente et se nourrissent des parties molles ;
    • le milan, le vautour fauve ou encore le percnoptère, appelés charognards, se nourrissent des cadavres en décomposition ;
    • le gypaète est un broyeur d’os et passe quand les autres ont fini de se servir. Il se nourrit de la moelle des os. Pour l’extraire, il emporte les os, les laisse choir sur les rochers pour qu’ils se brisent ;
    • quant à l’aigle royal, qui n'est pas un charognard, il préfère les animaux vivants qu’il capture : lagopède, lièvre voire jeune isard !

Nous continuons d’avancer dans la forêt et croisons les palombières à ne pas confondre avec les chatars.

La chasse en palombières a pour principe d’attirer les vols de palombes à l’aide d’appelants et de les faire se poser. En palombière, on travaille en silence :

  • les appelants, pigeons ou palombes, sont disposés autour des cabanes installées dans les arbres ou sur le sol comme dans les Landes. Ils sont posés en équilibre sur une raquette, reliée à la cabane par une ficelle. Toute l’habileté est de tirer délicatement la ficelle pour faire bouger doucement l’appelant, comme s’il glanait. Ils trompent ainsi les palombes qui se laissent attirer ;
  • par ailleurs, on ne doit entendre qu’un seul tir, à portée d’un fusil de chasse soit 40 m. Aux chasseurs de la cabane de s’organiser ! Dans cette technique de chasse, il est interdit de tirer les oiseaux en vol. Ils doivent être posés ;
  • on dénombre 3 500 palombières dans les Pyrénées Atlantiques avec trois ou quatre chasseurs par cabane. Ce type de chasse est très répandu dans tout le Sud-Ouest. Dans la Somme, la chasse au gibier d’eau présente des similitudes.

La chasse au tir au vol se déroule dans les cols où il y a des passages de migration naturelle. Des talanquères faites de bois et de feuillages sont installées à distance régulière. Les chasseurs dissimulés derrière attendent que le vol passe pour tirer les derniers oiseaux, ceci pour trois raisons :

  • dans un vol, les dernières palombes sont plus basses de 10 à 15 mètres ;
  • il faut laisser quelques oiseaux pour les chasseurs des autres talanquères ;
  • les plombs envoyés par l’arrière rentrent dans les plumes, alors qu’envoyés à l’avant, ils sont moins pénétrants.

L’utilisation d’appelants est formellement interdite.

En continuant notre descente, nous passons à côté d’un petit sommet, le Saiberri et arrivons dans un sous-bois. Nous savons maintenant repérer les chatars et les emplacements de filets. Nous sommes dans une hêtraie, propice aux cerfs (180 kg) et aux biches (80 kg). La hêtraie est un biotope pour les gros gibiers. C’est aussi un terrain à sangliers, à bécasses et palombes.

Dans les Pyrénées Atlantiques, on tire environ 3 à 4 000 sangliers, 300 cerfs et biches et presque un millier d’isards. Les quotas sont calculés en fonction de la reproduction, de façon à maintenir un équilibre entre l’agriculture, la forêt et la chasse. C’est l’agro-syvo-cynégétique.

Les fédérations de chasse concernées déboursent environ 100 000 €/an pour étudier la migration des palombes et certaines années, il faut compter 350 000 € par an de dégâts causés par le gros gibier dans les Pyrénées Atlantiques.

Jacques nous parle aussi de la coopération entre les chasseurs et l’INRA pour améliorer et comprendre les processus de développement de la faune et ses habitudes. Ils baguent des palombes attrapées dans les filets, avec des petites balises de 20 à 25 grammes qui ont une durée de vie de 2 à 3 ans. Toutes les 4 heures, ces balises émettent un signal et les palombes sont suivies très précisément. Ils baguent aussi les bécasses bloquées de nuit avec des phares.

Deux anecdotes :

  • la superfétation, qui se produit chez un couple de lièvre, la hase et le bouquin. C’est une nouvelle grossesse dans un utérus qui contient déjà une grossesse. Le mâle bouquine et deux mois après la hase met bât ; mais 15 jours avant la naissance des petits, le mâle peut à nouveau fertiliser la femelle ;
  • la gravidité prolongée du chevreuil : le brocard monte la chevrette vers fin septembre et les petits naissent vers mai juin. Or l’ovulation se produit en janvier et la gestation dure 6 mois donc les spermatozoïdes restent inactifs pendant 3 mois. La nature est bien faite car si les petits naissaient à la fin de l’hiver, ils auraient peu de chance de survivre.

Et les ours ? En vallée d’Aspe et d’Ossau, ils ne sont pas les bienvenus : plus des trois quarts des communes sont contre leur réintroduction. Les brebis retrouvées mortes sont payées deux fois et demie leur prix.

Tout en écoutant les propos passionnants de Jacques nous regagnons les voitures avec une dernière information importante : « N’oubliez pas de goûter le Pacharan avec deux glaçons, excellent apéritif ! »

Remerciements chaleureux avant de se quitter. Après-midi captivante. Merci aussi à Maïté et Patrice pour cette idée géniale. Et en plus, le soleil était au rendez-vous !

Au dîner, les choses intéressantes continuent : Anita, François I et François II offrent la sangria pour remercier de leur séjour et de l’accueil. C’est leur premier séjour et bientôt leur première année d’inscription. Ils remercient aussi pour l’attention portée à François II, le jeune cabri, infatigable ou presque, une pomme ou une banane le remettant en selle, presque toujours en tête dans les pas de Marine et de Gauthier.

Le repas et d’autres spécialités basques nous attendent : la salade de crudités et ses anchois, suivie d’une piperade avec saucisses confites et haricots verts, d’un caillé de brebis au caramel et d’une part de gâteau basque à la cerise.

Le 20 heures de Patrice pour les nouvelles du lendemain.

21 heures 30, rassemblement à l’accueil pour terminer cette journée très chargée :

  1. L’intronisation des nouveaux, Anita et les deux François.
    C’est Michel qui procède à la cérémonie. Ce séjour est placé sous le signe des métaux :
    Nous aurons une santé de fer après cet agréable séjour.
    Il faut des nerfs d’acier pour marcher sous un soleil de plomb qui donne un teint cuivré ou doré.
    Nous logeons dans un gîte nickel.
    Si la parole est d’argent, le silence est d’or.
    Puis il appelle les trois impétrants, qui, après avoir juré de tout, sont jugés dignes de faire partie de notre confrérie. Ils reçoivent leur petit cadeau, tee-shirt du Pays basque et piment d’Espelette.
  2. Les remerciements très sincères à Maïté et Patrice, les ardents organisateurs de ce séjour : variété des sorties, les notes culturelles, l’amour de la région qui transpire. Nous leur offrons un livre sur le Pays basque pour approfondir encore leurs connaissances !

La soirée se termine par la chanson fétiche, le fandango Il est un coin de France.


<references/>

Le parcours

Temps total : près de 8 heures en comptant les arrêts
Météo : magnifique journée, comme on les aime surtout quand on marche !

  • Longueur de l'itinéraire : 15 km
  • Dénivelée positive cumulée : 700 m
  • Dénivelée négative cumulée : 700 m
  • Altitude maxi : 700 m
  • Altitude mini : 120 m
  • Altitude moyenne : 500 m