Belle-Île-en-Mer (printemps 2004) littéraire j5
Jeudi 29 avril : Grand Village (près de Bangor) - Le Grand Cosquet - Locmaria - Le Palais[ ]
Pluie et encore de la pluie! Un vrai grain breton nous accueille au départ du bus. Lui en retard et nous en avance : le temps d'être bien mouillés et dans l'ambiance bretonne avant d'attaquer les 22 km de la journée.
Le bus nous dépose à Bangor, le chauffeur ne voulant pas nous avancer jusqu'au départ du sentier pédestre. Nous devons donc avaler 2,5 km de route goudronnée avant de nous engager sur le sentier côtier au niveau de la pointe de Grand Village.
Le sentier, particulièrement glissant et escarpé, surplombe parfois d'un peu trop près la côte qui s'échancre profondément. On découvre de superbes criques, encastrées dans les rochers, difficilement accessibles, comme celles de Yeyew et de Dotchot. Le vertige surprend certains d'entre nous et le cheminement sur ce sentier boueux, glissant, encombré de racines, nécessite une concentration intense pour éviter une roulade compromettante pour nos os, voire notre vie !
Nous traversons différents milieux naturels au gré du terrain : vallons de fougères, landes couvertes d'ajoncs jaunes et piquants, de sapinières parmi lesquelles on trouve des eucalyptus.
Comme dans les montagnes russes, nous descendons le sentier sinueux jusqu'à la crique de Port Guen qui abrite une plage de sable fin, puis nous escaladons le versant opposé très abrupt.
La côte rocheuse est entaillée de criques profondes séparées par des vallons. On atteint la pointe de Saint-Marc qui marque la limite entre les communes de Bangor et Locmaria.
Toute cette matinée a été ternie par les grains qui n'ont pas cessé de se succéder. En retard sur l'horaire à cause du bus, le chef propose de prendre un raccourci, à savoir un chemin de campagne boueux à souhait, jusqu'au village de Grand Cosquet où la voiture de l'auberge de jeunesse nous apporte notre pique-nique.
Où s'abriter ?
Jean-Luc tente sa chance auprès d'un paysan qui invoque des raisons de sécurité pour refuser de nous prêter son hangar. Marie-Charlotte s'adresse à une dame qui voudrait bien nous héberger, mais ses hangars sont déjà très occupés : matériels et animaux. Une maison en construction, hors d'eau, nous tente beaucoup mais nous hésitons. « Le propriétaire est gentil, il ne dira rien, mais ne laissez rien traîner ! » dit une voisine. Heureux d'être à l'abri, nous avalons avocat, couscous sec et étouffant, saucisses, fromage et chaussons aux pommes pas cuits en un temps record, aidés par le verre de vin rouge offert par les « phalempines » Maryvonne et Anne-Marie et la goulée de Génépi. Nous laissons place nette et quittons les lieux vers 13 heures 15.
Nous suivons une « voyette » détrempée, horriblement boueuse jusqu'au moulin de Bourhic, qui fait parties des huit moulins rescapés -- sur les dix-neuf recensés en 1870. Il date de 1768. Son mécanisme, qui a fonctionné jusqu'en 1934, est intact. L'occupation anglaise détruisit la plupart des moulins. Ceux qui ont été reconstruits en 1768 (Bourhic, Kerlédan, Logonet) se reconnaissent à leurs encadrements de baies en granit, ce qui est exceptionnel à Belle-Île. D'autres, du XIXe siècle (Petit Cosquet, Varrech, Mathias, Borfloc'h) ont des fenêtres à chambranles de granit plus sommaires ou des linteaux de bois.
À ce niveau, le groupe de scinde en deux. Marie-José, Ghislaine, Maryvonne, Anne-Marie, Brigitte, Chantal, Yvette, Renée-Claude, Michèle, Marcel, Michel, Philippe et Armel regagnent Locmaria en continuant la même sente, passant à travers les prairies, découvrant dans l'une d'elles un superbe tapis d'orchidées Bouffis bleues, notre trésorier Marcel s'assurant à chaque instant qu'aucune de ses brebis ne s'égare. Visite de la charmante église de Locmaria, la plus ancienne de l'île, au plafond en bois en forme de voûte, auquel sont suspendues des maquettes de bateaux, aux vitraux aux dessins naïf représentant des fleurs, des paysages sur le thème de la vie de la Vierge ; Saint Cornélus, patron des animaux à cornes, y est aussi révéré. Certains d'entre nous méditent quelques instants, assis sur les bancs et Michel nous assure s'être plongé dans une réflexion intense... les yeux fermés ! Finalement, comme les autres, nous allons nous réchauffer autour d'une crêpe et d'une bolée de cidre en attendant le bus de 15 heures 36 qui nous amènera à Le Palais.
Les autres, Marie-Charlotte, Marie-Paule, Angéline, Joëlle, Véronique, Yolanta, Dominique, Jean-Luc, Marc, Bernard, Gérard, Jean-Pierre et Frédérique, ont préféré gagner Locmaria à pied par le sentier côtier et ont piqué vers Port Lost-Kah.
Le paysage est d'abord semblable à celui du matin : une végétation aride sur la falaise et des rochers très découpés dans la mer. Mais rapidement, vers la pointe du Skeul, un nouveau paysage apparaît sous une orientation et des conditions climatiques différentes : la végétation est plus épaisse, les ajoncs sont plus hauts et les prairies arrivent au bord du sentier. Quelques arbres poussent et la côte devient plus hospitalière. On aperçoit quelques maisons et des petits ports. Un chien très gentil mais très sale escorte ou précède le groupe depuis le village de Grand Cosquet jusqu'à Locmaria pour le plus grand bonheur de Fred. Après une descente assez difficile sur Port Maria, Locmaria est ralliée. Malgré les grains intermittents, le chemin escarpé et parfois glissant, la bonne humeur règne.
Jean-Luc s'assure que l'autobus a bien ramassé l'autre partie de sa troupe, puis tous se retrouvent au café où Angéline régale les copains. Il faut attendre le prochain bus pendant 1 heure 30. Une discussion s'engage : « Pourquoi ne pas marcher, plutôt que d'attendre sur place ? Tourner en rond autour de Locmaria ? Rejoindre Le Palais distant de 12 km ? » La plupart accepte 6 km de plus mais pas 12. Au Chef de trouver une solution. Elle est simple : rejoindre les Grands Sables et y attendre le bus.
Véronique, Dominique, Angéline et Yolanta préfèrent attendre le bus à Locmaria au chaud et au sec, tandis que les marcheurs insatiables repartent joyeusement, bientôt escortés par la pluie. Ils pressent le pas et arrivent aux Grands Sables en un temps record. Pas de café pour s'abriter et encore une demi-heure avant le passage du bus. On continue en suivant le trajet du bus et en sachant qu'il y a des arrêts tous les 500 mètres. Bernard et Jean-Pierre abandonnent à 3 km de Le Palais et attendront très longtemps le passage de la machine ! Les téméraires poursuivent jusqu'à Le Palais où ils arrivent trempés de la tête aux pieds. Le bus ne les a jamais rattrapés et pour cause : l'horaire indiqué était faux. Jean-Pierre, Bernard et le reste de la troupe qui attendait le bus à Locmaria sont finalement rentrés vers 19 heures, après les marcheurs inassouvissables qui ont ainsi parcouru 29 kilomètres.