Arras-Merlimont (été 2003) rencontre

De Entre Amis
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Mais en revanche, ce fut une expérience humaine extraordinaire. D'abord trois « dames », qui marchent sous la chaleur alors que les gens se traînent dans leur maison, sous la douche ou devant leur mobil-home, et se plaignent de la température, ça attire la sympathie, disons même sans modestie que nous nous sommes taillés partout un franc succès lorsque nous disions que nous venions… d'Arras et que nous allions à… Merlimont. Si on dit qu'on a fait de la randonnée en Bretagne, en montagne, loin là-bas, on vous dit, sans beaucoup de conviction, « C'est bien », mais si vous dites que vous faites Arras-Merlimont, les gens sont d'abord incrédules puis admiratifs.

Reubreuve-sur-Canche

Et avec l'esprit facétieux de Nathalie, on arrive à ce dialogue surréaliste, au camping de Reubreuve-sur-Canche peuplé uniquement d'habitués venant de… Lens-Liévin, avec « quelques étrangers », je veux dire, une famille d'Arras et une autre de Roubaix :

La dame
− Vous allez où ?
Nathalie
− À la mer.
La dame
− Pourquoi vous n'y allez pas en voiture ?
Nathalie
− On ne peut pas se garer !
La dame
− !!!!

L'accueil le plus sympathique et le plus étonnant fut la soirée passée dans ce camping. Nous arrivons à une première entrée : une dame vient vers nous, j'explique brièvement ce que je cherche, elle a l'air d'être au courant de notre arrivée, elle s'empresse pour nous indiquer où nous pouvons trouver le responsable du camping, un voisin de caravane se joint à elle, nous donne spontanément les numéros de téléphone, puis la dame nous propose de nous accompagner à travers le camping pour chercher le responsable que nous trouvons effectivement sur sa bicyclette; celui-ci, sympathique, nous conduit vers un mobil-home qu'il vient de finir de caler pour nous, le voisin Monsieur Irénée, soixante-quatorze ans − ancien commerçant − «  riche, car il a douze appartements à Saint-Pol »… nous apostrophe gentiment, son épouse, soixante-dix ans, ancienne factrice, nous propose et nous apporte bassine « pour prendre un bain de pieds froid », un seau rempli d'eau pour que nous n'ayons pas à aller aux sanitaires, qui sont à vingt mètres; elle nous prêtera encore casserole avec eau chaude, balai, fauteuil de jardin, etc… Le patron a annoncé que « trois belles filles » (mais oui!) allaient s'installer pour la nuit dans le mobil-home. C'est l'événement! Pendant que je prends ma douche, une autre voisine se dirige vers Nathalie en lui tendant une brosse : «  Mon mari veut que vous lui frottiez le dos! »… Il paraît que les choses en sont restées-là ! Tous les gamins du camping nous disent bonjour très gentiment et poliment, nous sommes ravies. Avec un accueil pareil on oublie l'absence d'éclairage dans le mobil-home, la fraîcheur de la nuit (il n'y avait que deux couvertures pour trois, le pull et le K-way ont là trouvé un usage), les batailles de Nathalie avec sa couchette trop courte…

Fosseux

À Fosseux (première halte) l'accueil en chambre d'hôte fut d'une qualité plus relevée tout en étant aussi bienveillant. L'hôtesse réservée, présente, prévenante et efficace, son compagnon plus loquace, voire trop « présent »; tous deux pratiquent la randonnée, aussi l'hôtesse nous avait-elle préparé un repas, alors qu'au téléphone elle m'avait dit qu'elle n'assurait pas cette prestation mais avait semblé hésiter; nous avons été accueillies avec une bouteille de cidre savouré sur des chaises longues dans le jardin; le repas pris avec nos hôtes toujours dans le jardin fut copieux, frais et nourrissant, avec apéritif, vin rosé et rouge et… génépi pour terminer.

Frédérique a sympathisé avec notre hôte, ancien instituteur dans la région de Frédérique et ils ont passé un long moment à faire le tour de leurs connaissances communes en les classant en deux catégories : les « déjà morts » et les « encore vivants » ! Bien sûr, notre hôte nous a indiqué un « raccourci » pour rejoindre notre GR, raccourci qui nous a en fait éloigné et nous a fait marcher dans de hautes herbes mouillées qui furent la cause de mes premières ampoules.

Nous avons constaté plusieurs fois que les indications ne sont efficaces que si on connaît déjà la route; par exemple l'indication ultérieure : « Vous trouverez un café en haut de la côte » nous a amené à parcourir à grandes enjambées trois côtes successives au rythme de « un coca-un coca », sans jamais rencontrer le dit-café, d'où une petite déprime de Nathalie : « Je veux mon coca! », « J'ai mal aux pieds », « Le sac est trop lourd »… De même, « Au bout du chemin à droite » signifie non pas au bout du chemin, mais, peut-être, au bout de la partie goudronnée, ce qui nous a fait manquer, au désespoir toujours de Nathalie, le « Rendez-vous des chasseurs » dans l'étape Hesdin-Montreuil.

À Montreuil, nous étions vaccinées : l'épicière nous indique que la seule boulangerie ouverte est à « moins d'un kilomètre », Nathalie a compris « à droite » , j'ai compris « à gauche » : au bout de vingt mètres, nous revenons à l'épicerie pour acheter… du pain de mie!

Berlancourt-le-Cauroy

L'accueil de la part des populations locales fut parfois plus bourru qu'à Fosseux ou Rebreuve. Ainsi, dans le premier et rare café de village rencontré, à Berlancourt-le-Cauroy, tenu par une vieille dame, tous rideaux baissés à cause de la chaleur, vers 13 heures : il y a deux pièces, l'une à droite, semble privée, l'autre à gauche contient certes des paquets mais aussi des tables. Nous nous installons à gauche et attendons. Rien ne se passe. Puis un monsieur rentre et se dirige « à droite ». Nous faisons comme lui, et nous rencontrons alors la vieille dame :

− « Est-ce qu'on pourrait avoir du café ? demande Frédérique.
− Oh! mais c'est que je n'ai pas fait de café aujourd'hui ».

Soit. Frédérique demande alors :

− Est-ce qu'on peut avoir de l'eau chaude? On a des dosettes de nescafé.
− Mais du nescafé, j'en ai, mais je ne sais pas où il est. »

Bon. Finalement, nous buvons le nescafé local sous l'œil inquisiteur de la vieille dame qui s'assoit à une table plus loin.

Hesdin

Ou encore, avant Hesdin, après l'épisode du coca-manqué-par-absence-de-café-en-haut-de-la-côte, il fait très chaud, nous allons manquer d'eau, pas de cimetière dans les parages, nous sommes à la sortie d'un hameau, il faut trouver de l'eau, je suis décidée à en demander à la première personne que je rencontre. Une femme avec barbe et moustache blanches de plusieurs jours, se déplace avec difficulté. Je la croise devant l'entrée du jardin d'une très modeste maison. Dialogue :

« Non, il n'y a pas de café par ici.
− Alors je vais demander de l'eau dans cette maison.
− C'est la maison de mon ami.
− …
− Mais nous ne vivons pas ensemble.
− …
− Je vais lui demander.
− … »

La dame entre dans la maison, bruit de voix, ressort quelques minutes plus tard :

« Oui, vous pouvez entrer. »

Nous entrons dans une pièce sombre, basse, deux hommes attablés, qui s'adressent à nous beaucoup plus aimablement que la dame ; je ne vois que l'évier, à ma droite avec le robinet et l'eau fraîche. Nous remplissons rapidement nos bidons et nous sortons après remerciements. Thème de discussion ensuite : lequel des deux est « l'ami de la dame », opinion divergente de Nathalie et de Frédérique… Je m'abstiens.