Belle-Île-en-Mer (printemps 2004) asphodèle
Tout savoir sur les asphodèles, version courte et version longue.
Asphodèle, version courte
Marie-José indique la référence suivante : Victor Hugo, « Booz endormi », poème extrait de La légende des siècles :
- Un frais parfum sortait des touffes d’asphodèles (…) ;
(vers 67).
Par ailleurs, dans Homère, on lit :
- Alors, l’âme du fils d’Éaque aux pieds légers
- S’éloigna à grands pas, traversant le pré d’asphodèle,
- Heureuse de savoir par moi la gloire de son fils.
(Odyssée, traduction Philippe Jacottet, chant XI, vers 538-540).
Asphodèle, version longue
Le vers de Victor Hugo est beau par lui-même mais encore plus beau dans le contexte – pour une version mi-longue, on pourra ne lire que la troisième partie du poème.
- Booz s’était couché, de fatigue accablé ;
- Il avait tout le jour travaillé dans son aire,
- Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ;
- Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.
- Ce vieillard possédait des champs de blés et d’orge ;
- Il était, quoique riche, à la justice enclin ;
- Il n’avait pas de fange en l’eau de son moulin ;
- Il n’avait pas d’enfer dans le feu de sa forge.
- Sa barbe était d’argent comme un ruisseau d’avril,
- Sa gerbe n’était point avare ni haineuse ;
- Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse :
- « Laissez tomber exprès des épis, » disait-il.
- Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
- Vêtu de probité candide et de lin blanc ;
- Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
- Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.
- Booz était bon maître et fidèle parent ;
- Il était généreux, quoiqu’il fût économe ;
- Les femmes regardaient Booz plus qu’un jeune homme,
- Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.
- Le vieillard, qui revient vers la source première,
- Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;
- Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
- Mais dans l’œil du vieillard on voit de la lumière.
- Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens ;
- Près des meules, qu’on eût prises pour des décombres,
- Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres ;
- Et ceci se passait dans des temps très anciens.
- Les tribus d’Israël avaient pour chef un juge ;
- La terre, où l’homme errait sous la tente, inquiet
- Des empreintes de pieds de géants qu ’il voyait,
- Était encor mouillée et molle du déluge.
- Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,
- Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée ;
- Or, la porte du ciel s’étant entre-bâillée
- Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.
- Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
- Qui, sorti de son ventre, allait jusqu ’au ciel bleu ;
- Une race y montait comme une longue chaîne ;
- Un roi chantait en bas, en haut mourait un Dieu.
« Une race naîtrait de moi ! Comment le croire ? Comment se pourrait-il que j’eusse des enfants ? Quand on est jeune, on a des matins triomphants, Le jour sort de la nuit comme d’une victoire ;
« Mais, vieux, on tremble ainsi qu’à l’hiver le bouleau ; Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe, Et je courbe, ô mon Dieu ! mon âme vers la tombe, Comme un bœuf ayant soif penche son front vers l’eau. »
Ainsi parlait Booz dans le rêve et l’extase, Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés ; Le cèdre ne sent pas une rose à sa base, Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.
Et Booz murmurait avec la voix de l’âme :
« Comment se pourrait-il que de moi ceci vînt ?
Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt,
Et je n’ai pas de fils, et je n’ai plus de femme.
« Voilà longtemps que celle avec qui j’ai dormi, O Seigneur ! a quitté ma couche pour la vôtre ; Et nous sommes encor tout mêlés l’un à l’autre, Elle à demi vivante et moi mort à demi.