Rome (hiver 2013)/littéraire/j1
Dimanche 24 février, Via Appia antica[ ]
Le ciel est bien nuageux, mais il retient ses gouttes. Pour combien de temps ?
Matinée[ ]
Consacrée à une flânerie active le long de la via Appia, visitant les innombrables lieux antiques qui la jalonnent, essentiellement des lieux funéraires.
Démarrage un peu trop lent au goût de Joëlle. L’heure de départ, 8 heures, n’est pas respectée. Nous traînons trop et avons perdu 10 minutes ! Joëlle piaffe. L’emploi du temps est serré, il faut composer avec les fantaisies de l’organisation italienne, la fluctuation des horaires de passage des bus… Donc, en bons marcheurs, nous fonçons à toutes jambes vers l’arrêt de bus situé à côté de la station de métro Circo Massimo, près de la porte Capena, sur la via Appia, traversant la vallée du Circus, jetant un coup d’œil rapide à droite sur le Palatin et au fond sur le dôme de Saint-Pierre pour finalement attendre patiemment notre 118. Nous avons tout loisir de scruter le ciel, de minuscules coins bleus redonnant un peu d’espoir.
Le bus passe sous un arc, franchit la porte San Sebastiano, autrefois porte Appia, une des dix-huit portes de la muraille aurélienne qui entoure et protège les sept collines de Rome. Nous traversons la banlieue et nous voici dans la campagne. Nous quittons le bus à une bonne dizaine de mètres de l’église Quo Vadis.
Église Domine Quo Vadis[ ]
Église édifiée au XVIe sur la Via Appia, en ce lieu où, selon la légende, saint Pierre aurait croisé Jésus, l’un fuyant les persécutions ordonnées par Néron contre les chrétiens après le grand incendie de Rome, l’autre rentrant à Rome. Saint Pierre aurait demandé à Jésus : « Domine quo vadis ? » (Seigneur où vas-tu ?), Jésus aurait répondu « Je vais me faire crucifier une seconde fois, pour toi. » Église discrète mais néanmoins haut lieu de la superstition, tapissée d’ex-voto. Un office étant en cours, nous ne pouvons pas la visiter. On peut y voir, enchâssé dans le sol une dalle carrée où est sculptée la trace de deux pieds que l’on fait passer pour les traces des pieds du Christ ; il s’agit en fait, comme l’indique l’inscription gravée sur la pierre, d’un ex-voto romain (« païen »), d’un dévot remerciant une divinité d’être revenu sain et sauf d’un voyage. Sur la façade, est sculpté le blason aux trois abeilles, armoiries papales de la famille Barberini.
La Via Appia[ ]
Longue route construite entre 314 et 312 av. J.-C. par Appius Claudius, consul de la République. Elle fut d’abord pavée de tuf, puis de basalte provenant des régions volcaniques environnantes. Elle a plusieurs fonctions :
- fonction stratégique pour relier Rome à la région de Naples puis à Brindisi vers 190 av. J.-C. ;
- voie de voyage avec ses nombreux dangers. Le long de la voie, les Romains construisent donc de petits temples dédiés aux divinités protectrices. Les ex-voto sont la mémoire des vœux qui leur sont exprimés. Par exemple, les pieds sculptés dans la pierre concernent le voyage mais sont surtout une prière pour un retour assuré ;
- fonction de nécropole. Les bords de la voie sont jalonnés de monuments funéraires, tombeaux plus ou moins ostentatoires selon l’importance du défunt, construits en opus caementicium, le « béton romain » (du tout-venant lié à la chaux), avec un parement de briques ou de travertin.
Catacombe di San Callisto ou Catacombes de Saint-Callixte[ ]
Nous arrivons sur le lieu à 9 heures 30, accueillis par un aimable guide parlant bien français. Il dresse quelques généralités sur les catacombes, décrypte sur des panneaux extérieurs les reproductions de quelques peintures murales souterraines avec leurs symboles, avant de nous introduire dans le dédale des galeries souterraines.
L’ensemble des catacombes chrétiennes est géré par le Vatican car les fouilles ont débuté sous le règne des papes. Les visites sont obligatoirement guidées… pour éviter le risque de perdre un touriste et qu’il moisisse dans une niche !
Les catacombes sont des nécropoles (terme romain, d’origine grecque) souterraines, hors les murs dans le respect de la tradition − ville, espace sacré qui n’admet pas les morts. Le terme cimetière a été inventé par les chrétiens, pour désigner lieu de sommeil où on attend la résurrection. Elles furent d’abord des sépultures païennes, puis chrétiennes. Dans les pratiques traditionnelles chrétiennes, les morts étaient incinérés ou inhumés dans un sarcophage. L’inhumation n’est pas une innovation chrétienne ; elle est pratiquée au moins à partir du début du IIIe siècle av. J.-C.
Les catacombes sont une sorte de « HLM » souterrains pour morts. Ces hypogées romains ou tombeaux souterrains, sont installés sur deux ou trois étages de galeries creusées dans le tuf, terrain friable.
Ces tombes sont de quatre sortes :
- l'oculus (petit lieu) : tombe individuelle, fermée par une plaque sur laquelle sont gravés le nom, les qualités de la personne et des symboles. (Ancre= symbole de l’espérance, colombe=celui de la paix, se nourrit de l’Eucharistie, etc.) ;
- le cubiculum (chambre) : véritable pièce faisant fonction de caveau des familles, fermé par une plaque ;
- le publiculum, caveau commun, comme l’arcosolium mais qui est surmonté d’une voûte ;
- le sarcophage, très cher.
Les corps étaient recouverts de chaux.
Les catacombes de Saint-Callixte sont les catacombes chrétiennes les plus célèbres car elles abritent les sépultures de nombreux papes. Elles s’étendent sur 5 ha, s’étagent sur quatre niveaux, descendent à 20 m de profondeur et l’ensemble des galeries s’étire sur 20 km. Callixte était un esclave affranchi devenu diacre. Le pape le nomma régent des catacombes.
Nous visitions les tombeaux des papes, le sarcophage de sainte Cécile, l’original est resté trois siècles dans les catacombes avant d’être transporté dans l’église Sainte-Cécile en Trastevere. Très belle statue de la sainte, dans la position où elle fut trouvée, dit-on, lors de l’ouverture du sarcophage, avec les trois doigts étendus. Devenue patronne des musiciens car elle a chanté au moment de son martyr.
Certaines salles funéraires appartenant à des familles aisées sont ornées de stuc, de fresques et de peintures, expression de la foi chrétienne et premières traces de l’Art chrétien.
Nous émergeons des catacombes littéralement frigorifiés par ce froid humide qui imprègne ces galeries. Visite très intéressante. Idées erronées, gommées. Nous quittons les lieux avec un brin de mimosas très odorant offert par les dames qui tiennent la boutique. Une coutume veut que le jour de la fête des femmes, un brin de mimosa leur doit offert !
Joëlle rassemble ses brebis qui marchent en courant sur la Via Appia. Le soleil paraît et réchauffe un peu. Sur notre gauche, dans une immense prairie, se dressent des vestiges imposants en briques rouges de la villa de Maxence.
Compléments
- Iconographie romaine souvent reprise par les chrétiens :
- le Christ en toge est une copie du savant romain en toge ;
- la pratique des ex-voto a été largement récupérée lors de la christianisation ; traces dans les textes Apocryphes.
- Un orant (du latin ōrāre, « prier »), ou priant, désigne, dans l'art religieux, un personnage représenté dans une attitude de prière, souvent agenouillé. La réalisation est fréquemment une statue en ronde-bosse ou une sculpture en haut-relief. Associé au gisant, c'est l'un des éléments de décoration d'un tombeau ou d'un enfeu. Dans l’art paléochrétien, l’orant est debout, bras écarté, de face.
- Trois raisons à la persécution des chrétiens par les romains :
- les chrétiens sont des esclaves qui transmettent le message du christianisme ;
- les chrétiens ne reconnaissent pas l’Empereur : Dieu est au-dessus de l’empereur ;
- les chrétiens sont accusés de véhiculer la peste et le choléra.
- À propos des esclaves, deux théories s’opposent :
- l’universalitéion des stoïciens qui stipulent que « chacun a droit au salut » ;
- saint Paul qui dit que « chacun sur terre doit rester à sa place ».
- Acte d’évergétisme
- Le christianisme est une religion orientale. Les chrétiens se sont persécutés entre eux : les Ariens et les Nestoriens. Théodose fait massacrer les ariens, migrants considérés comme barbares. Hypatie est massacré à Alexandrie.
Villa Massimo ou Villa de Maxence, construite au IVe s.[ ]
Maxence (306-312) est le dernier empereur à avoir résidé à Rome. Régnant avec Constantin (306-337), il fut massacré par ce dernier à la bataille du Pont Milvius en 312.
À l’époque romaine, la villa est un vaste domaine appartenant à un empereur ou à un aristocrate, situé dans une zone suburbaine. Elle est à la fois, une résidence dotée d’une exploitation agricole, un lieu de pouvoir et de loisir, et une nécropole. La villa de Maxence répond à ces fonctions :
- la nécropole avec le mausolée, structure ronde entourée d’un grand mur avec portique, construit derrière le palais impérial. Le premier à y être enterré fut le fils de Maxence, Romulus, décédé avant son père.
- le cirque, implanté face au palais, est une structure rectangulaire très allongée séparée en deux par une spina d’environ 300 m de long, limitée par deux bornes, les meta, décorées de dauphins faisant partie du système qui permettait de compter les tours effectués par les chars, et un obélisque, actuellement dressé sur la piazza Novona. En bout, un bassin permettait de puiser de l’eau pour rafraîchir les équipages. Autres élément du cirque : les carcerès ou stalles de départ, les deux tours de surveillance plantées de chaque côté et le pulvinar, tribune impériale placée en face de la tribune des juges. Le cirque est consacré aux courses de chevaux montés mais surtout aux courses de chars. Ces jeux, donnés en l’honneur des morts, pouvaient durer six semaines.
Nous quittons ce lieu bucolique presque avec regrets pour rejoindre la Via Appia, reprendre notre trot rapide, sous le soleil, jusqu’au monument suivant.
Compléments
- L’Empire romain est immense et, en 285, Dioclétien instaure la Tétrarchie, c’est-à-dire, deux chefs, les Auguste et deux sous-chefs, les César se partagent la gestion, les uns de la partie orientale, et les autres de la partie occidentale. Après 20 ans de pouvoir, les Auguste doivent démissionner, les César les remplacent et nomment de nouveaux César. Dioclétien et Maximien Hercule démissionnent mais Maxence et Constantin revendiquent la place de l’Auguste, d’où la guerre.
- L’association d’un mausolée et d’un stade fait référence à Homère et Achille.
Le mausolée de Caecilia Metella[ ]
Imposant tombeau circulaire de 20 m de diamètre, construit à la fin de la République, au Ier s. av. J.-C. et dont il reste le mur et quelques fragments de la frise, l’un avec un trophée, tronc d’arbre sur lequel sont pendus les armes des ennemis vaincus et un autre en forme de guirlande avec des « bucranes » ou têtes de bœuf.
Au Moyen-Âge, le pape Boniface VIII donne ce tombeau à la famille Caetani qui lui adosse un château-fort, véritable octroi contrôlant la via Appia. Les parements en travertin furent pillés par Sixte Quint au XVIe s. Sur les murs du château, ont été enchâssés des spolia, fragments de sculptures antiques, selon une pratique courante jusqu’au XXe siècle. Au pied du château, des traces d’extraction de basalte, bien visibles, attestent qu’une coulée de lave est descendue des volcans des Monts Albins jusqu’ici.
Capo di Bove ou tête de bœuf[ ]
Villa qui devait appartenir à Herode Atticus, précepteur de Marc Aurèle, citoyen romain d’origine grecque de l’époque d’Hadrien. Elle comporte un site thermal, ouvert aux personnes qui fréquentaient le lieu. Nous jetons un coup d’œil au musée qui présente des éléments des monuments de la Via Appia. C’est dans ce lieu que nous pique-niquons, avec quelques rayons de soleil en prime.
Après-midi, Villa dei Quintili[ ]
Nous continuons notre marche sur la Via Appia, large et rectiligne, conçue pour des déplacements rapides. Les bas-côtés sont jalonnés de tombeaux en ruine ou colombarium. Les bas-reliefs sculptés sur les murs extérieurs représentent souvent les membres des familles enterrées. Le ciel incertain perturbe notre randonnée tranquille par quelques grains brefs et peu mouillants.
Joëlle stoppe la troupe près du lieu-dit « le tombeau des Horaces » renvoyant au combat entre les Horaces, champion de Rome et des Curiaces d’Albe-la-Longue. La troupe intriguée observe Michel se hisser sur un monticule, déplier un papier et se lancer dans la déclamation des imprécations de Camille, veuve d’un Curiace, avec le talent théâtral qu’on lui connaît. Applaudissements nourris!
Après cet intermède littéraire, vers 14 heures 30 nous arrivons à la Villa des Quintilli. L’ampleur du site, implanté sur une colline, atteste que ce domaine appartenait à une grande famille patricienne, deux frères qui ont été consuls la même année au IIe s. L’empereur Commode, fils de Marc-Aurèle, est entré en conflit avec cette famille et a confisqué la propriété. Les corps de logis, les pièces de représentation et les thermes privés occupent le haut de la colline qui domine la vallée de la Caffarella limitée au sud par la voie Appienne.
Dans les thermes en restauration, de très beaux revêtements de sol et de mur ont traversé le temps. En marbre avec des dessins géométriques, ces opus sectile sont étonnement bien conservés et sont maintenant méticuleusement abrités des intempéries hivernales par des bâches.
Au dessus, une citerne, semble intacte. Difficile de briser le mystère de son fonctionnement et de son raccordement à l’aqueduc tout proche, dont il reste de très beaux vestiges.
Un nymphée, fontaine monumentale, a été construit après la villa, près d’une entrée percée sur la Via Appia. Elle est de forme semi-circulaire, verticalisée sous forme d’un grand mur ; la Fontaine de Trevi à Rome, datant du XVIIIe s., nous aide à imaginer ce que devaient être ces nymphées. Des colonnes décorent le devant et, au pied, une vasque récupère l’eau acheminée par un canal. La façade d’origine fut dissimulée par des ajouts médiévaux. De chaque côté de l’entrée, sur la Via Appia, des niches datant de la fin du IIe s. abritaient des statues.
Grand bol d’air et après-midi sportive en arpentant ce gigantesque domaine que nous quittons précipitamment car le ciel, de plus en plus noir, lance une giboulée glaciale. Nous nous abritons dans le musée du site et Joëlle commente quelques unes des superbes sculptures : statue du Zeus trônant, Mithra qui tue le taureau, avec son bonnet phrygien et sa cape ; une statue qui porte une peau de lion représentant Hercule, mais aussi la nudité divine, représentation d’un dieu, d’un héros, d’un vainqueur divinisé ; l’Artémis d’Ephèse ; un pilier hermaïque surmonté d’une tête sculptée, etc. Éléments de toute beauté.
Il est temps de rejoindre la gare, de prendre le train qui nous ramène à Rome.
Première journée très riche et agréable malgré le froid enduré le matin. Demain un pull de plus !
Soirée[ ]
AG rapide avant le dîner pour présenter la journée de lundi et surtout préciser l’heure de départ : nous gagnons un quart d’heure de sommeil.
Dîner « libre » ce soir encore, chacun choisit son restaurant. Flâner dans cette ville animée est agréable mais la pluie revenue gâche un peu le plaisir. La cuisine italienne est bien savoureuse et son vin aussi.
Compléments d’informations
- La Vallée de la Caffarella est bordée du côté nord par la voie Latina et du côté sud par la voie Appienne. Elle débute au Mur d'Aurélien et s'étend jusqu'à la rue de l'Almone. Aujourd'hui la vallée se présente comme un ensemble très spécial où des ruines et des sites spectaculaires côtoient de hauts bâtiments enchâssés dans le tissu urbain. Ses champs, ses étangs, ses fermes et ses monuments lui donnent un aspect pittoresque en formant un milieu unique d'une importance extraordinaire non seulement pour ceux qui vivent dans les environs mais pour la communauté entière.
- hermaïque masculin et féminin identiques
Le parcours[ ]
Durée totale : 8 heures 15.
Méteo : .
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