Baie de Somme (printemps 2009) littéraire j2
La visite de Saint Valéry - 7 km[ ]
Il ne fallait pas chanter la veille au soir, car après le soleil, nous avons « l’autre temps » ! C’est sous une pluie battante d’orage que nous arrivons à Saint Valéry.
Néanmoins le groupe refuse la fatalité, et part à l’assaut de la vieille ville, dans laquelle nous entrons par la porte de Nevers (17e s).
Jusqu’au 19e s, la mer venait lécher la base de cette grosse tour. La plaque de marbre nous rappelle que Jeanne d’Arc, prisonnière des Anglais, est passée par Saint Valéry pour rejoindre Rouen.
Nous nous engouffrons dans L’EGLISE ST MARTIN non sans avoir remarqué la construction des murs extérieurs en carrés alternés de silex noir et de pierre de pays.
Une fois à l’abri, Ghislaine nous rappelle que St Martin était un soldat romain qui partagea son manteau avec un pauvre. La scène se déroulant à Amiens, ce saint est donc particulièrement vénéré en Picardie.
Nous parcourons cette église qui comporte deux nefs d’égale hauteur (église halle), admirant notamment la chapelle des marins, les exvotos et une copie de la tapisserie de Bayeux car c’est de Saint Valéry que Guillaume le Conquérant est parti pour l’Angleterre. La tour du clocher a servi de fanal jusqu’au 18e s pour la navigation.
La pluie s’est fortement atténuée et nous décidons d’un commun accord de monter à la chapelle Saint Valéry. A l’angle de la rue Questive, une maison à pans de bois fût bâtie avant 1536, date à laquelle il devient interdit de construire en matériaux inflammables.
La « drache » nous tombe à nouveau dessus, mais nous poursuivons imperturbablement le périple. Au cours d’un arrêt bref, Ghislaine nous explique que sur cette falaise, au Moyen Age, le château se composait d’une tour avec enceinte et fossés. Au 13e s et 14e s, on y dresse une grosse tour carrée qui a ensuite été agrandie; huit tours en flanquaient l’enceinte.
Protégés (?) par nos parapluies, nous atteignons LA CHAPELLE ST VALERY (1878).
Ici fut l’ermitage de Gualaric puis écrit Walaric, Walric et enfin Valery en français moderne. Il meurt en 622 après avoir accompli de nombreux miracles. Un vitrail nous apprend que sa dépouille fut emmenée à St Omer par le Comte de Flandres ; Valéry apparaît alors à Hugues Capet et lui promet qu’il deviendra Roi de France s’il ramène ses cendres en Picardie. A cet endroit est édifiée une abbaye, qui sera totalement détruite lors des invasions vikings.
Toujours sous les parapluies nous retournons au parking des Corderies, où nous retrouvons ceux venus pour la traversée de la Baie.
Nous descendons vers la gare en passant devant L’ENTREPOT ROYAL DES SELS, classé monument historique, mais en très mauvais état. Les sels en provenance de Saintonge, Bordeaux et de Bretagne étaient apportés par la mer et stockés avant de repartir vers la Picardie, la Champagne et la Bourgogne.
La traversée de la Baie de Somme - 8 km[ ]
Saint Valéry a reconnu nos mérites : la pluie s’atténue puis cesse et le ciel se dégage. Nous retrouvons nos deux guides et prenons la photo de circonstance, avant la traversée.
Nous franchissons en deux groupes le pont sur la Somme canalisée. Le débit d’eau est important (3m³/s). Après les inondations de 2001, une troisième écluse complète le dispositif et participe au désenvasement par effet chasse d’eau. Les bateaux de pêche sont partis sur Boulogne et Le Tréport, le port de plaisance compte aujourd’hui une centaine d’anneaux. Reste dans le port le bateau baliseur (indispensable car le chenal est sans cesse modifié par les courants).
Au bout de la digue nous entrons dans le vif du sujet : c’est la première descente sur la vase et le premier passage dans l’eau. La personnalité de chacun s’exprime à travers ses mimiques et sa technique…, et tout le monde franchit l’obstacle.
Les enfants découvrent que l’on peut patauger et « gadouiller » sans se faire disputer !… D’autres passages délicats permettront de consolider les techniques individuelles.
Le guide nous explique :
- Les deux milieux qui constituent la Baie sont la « Slick » et la « Schore » (respectivement la vase et la partie herbeuse du pré salé).
- Plus de 7000 de moutons paissent sur les 7000 hectares et sont vendus sous label AOC ;
- La tourbe provient des végétaux des falaises d’Etretat, ramenés par les courants ;
- L’Hydrobie, petit coquillage noir qui vit dans la vase, constitue la nourriture de base des canards ;
- Les vers (Arénicoles et Néréis) produisent un bruissement feutré caractéristique ;
- Les huttes, caissons flottants qui suivent les marées et donc solidement attachées, font face à des mares sur lesquelles sont posés des appeaux. Le prélèvement autorisé est de 20 canards sauvages par an ;
- La Spartine Anglaise est une plante envahissante qui contribue à l’ensablement de la Baie, en piégeant les sédiments. Aucune solution pour la combattre n’a été trouvée, il vaut donc mieux la laisser en place (surtout ne pas l’arracher car le rhizome se multiplie alors) ; L’Obione ou chips de mer se mange crue en salade ou grillée au four ; L’Aroche Asté ou salade des jardins, l’Ulve ou laitue de mer, L’Aster maritime ou oreille de cochon, la Cochléaire plante à petites fleurs blanches peuplent également la schore ;
- Les cueilleurs de Salicorne (ou passe pierre) ont des concessions.
Vers 14h00 nous franchissons le dernier ru d’eau claire (ô bonheur).
Chacun peut y laver ses chaussures, ses mollets…
Nous sommes au Crotoy !
Le bilan de la traversée : une chaussure envasée, récupérée par son habile propriétaire, 2 shorts baptisés à la boue, et 40 randonneurs heureux (et affamés).
Nous nous regroupons pour le pique-nique face à un bassin où s’ébroue un phoque, et à 14h40 nous levons le siège et avançons vers la gare du Crotoy.
Le petit train à vapeur[ ]
À 14h55 Ghislaine nous attend sur les quais, nous retrouvons les cinq venus en train, et nous investissons les 2 wagons qui nous sont réservés.
Après les sifflements d’usage, le train vapeur s’ébranle dans la campagne.
A la gare intermédiaire de Noyelles, notre chef bien-aimé montre l’exemple en participant activement au retournement de la locomotive.
Nous arrivons vers 16h00 à Saint Valéry et ce sont les au-revoir après 2 jours bien remplis. Certains restent en ville, d’autres rejoignent directement le parking pour se rendre à Nolette.
Le cimetière chinois de Nolette[ ]
Nous visitons ce cimetière, qui est le plus grand cimetière militaire chinois en Europe, et sommes interpelés par les dates de décès figurant sur les stèles. Les belligérants anglais et français ayant besoin de main d’œuvre en 1916, passent un accord avec le gouvernement chinois. Celui ci envoie plus de 10 000 « coolies » qui ne seront pas engagés dans les combats, mais assureront les tâches et corvées. Ils vivent dans des conditions matérielles et sociales très précaires. Un grand nombre mourront de la grippe espagnole en 1919 et 1920, ce qui explique les dates postérieures à l’armistice.
C’est maintenant l’heure des au-revoir définitifs.