Hôtel Dieu de Beaune

De Entre Amis
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L'Hôtel-Dieu<ref name="ftn10">Sources : le dépliant remis par l’Office de Tourisme « Visite de l’Hôtel-Dieu » et « Hôtel-Dieu, Hospices de Beaune », Beaux-Arts magazine, n° hors-série, août 2005.</ref> des Hospices de Beaune fut construit en 1443 par Nicolas Rolin, Chancelier du Duc de Bourgogne Philippe le Bon.

Au lendemain de la Guerre de Cent Ans, Beaune souffre de misère et de famine. Les trois quarts des habitants de la ville sont sans ressources. Pour racheter leur salut, le Chancelier et sa femme Guigone de Salins décident alors de créer un Hospice pour les « Pôvres ». Ils le dotent d'une rente annuelle (salines) et de ressources propres (vignes), et font appel à de nombreux artistes pour le décorer.

Il me vient à l’esprit une analogie avec la situation contemporaine : imaginons le gouvernement ou un mécène philanthrope, réunissant les plus grands artistes contemporains pour construire un édifice magnifique, confortable, moderne, destiné à loger, soigner, nourrir, nos SDF et nos immigrés clandestins…Imaginons que près de 600 ans plus tard, des milliers de visiteurs se pressent pour admirer à la fois le geste philanthropique et la contribution inestimable au patrimoine artistique de l’humanité…Il semble que les plans gouvernementaux n’aillent pas dans ce sens, à tel point que même les associations chrétiennes s’en émeuvent. Décidément ce Moyen-Age « barbare » a peut-être des leçons à nous donner. Certes nos « grands » ne visent plus à racheter leur salut…

Retour vers l’histoire[ ]

Au cours de ses séjours en Flandre, dont le Duc de Bourgogne était également suzerain, Nicolas Rolin s'inspira de l'architecture des hôpitaux du Nord (Hôtel-Dieu de Valenciennes et celui de la Biloke à Gand) pour concevoir son hôpital. Il fit appel à des artisans beaunois pour l'édification de son Palais pour les "Pôvres" (Jean Rateau, maître-maçon et Guillaume La Rathe, maître-charpentier, auteur de la flèche). Avec ses façades gothiques, l'Hôtel-Dieu est considéré comme un joyau de l'architecture médiévale bourguignonne, mais il semble bien que les toits polychromes aient pour origine l'Europe centrale ; cependant ce style ayant plu, il s'est petit à petit propagé en Bourgogne au point d'être considéré comme typique et traditionnel de cette province.

Sans interruption du Moyen-Age au XXe siècle, les sœurs des Hospices de Beaune ont accueilli et soigné de nombreux malades dans plusieurs grandes salles. Notre guide témoigne : il a été opéré ici, il y a quelques années. Depuis 1971, ses fonctions médicales ont été transférées dans un hôpital moderne. Il reste cependant une maison de retraite.

L’Hôtel-Dieu a rapidement acquis une grande renommée auprès des pauvres, mais aussi auprès des nobles et des bourgeois. Grâce à leurs dons, ceux-ci ont permis d'agrandir et d'embellir l'hôpital par la création de nouvelles salles et l'apport d’œuvres d'art. Ainsi l'Hôtel-Dieu est-il devenu un véritable "Palais pour les Pôvres".

Exploitant 61 hectares de vignes en Bourgogne héritées au cours des siècles, les Hospices organisent chaque année depuis 1859, la plus célèbre vente aux enchères de vins au monde. Le produit de la vente permet l’entretien et la restauration de l’Hôtel-Dieu.

La « grande salle des pôvres »[ ]

Inaugurée en 1452, la Grande Salle des « Pôvres » a conservé ses dimensions d'origine (50 mètres de long, 14 mètres de large, 16 mètres de haut). Cette salle des malades était occupée au centre par des tables et des bancs installés pour les repas. Ceux-ci étaient servis dans une vaisselle d'étain et non de bois comme il était de coutume dans les hospices. Derrière chaque lit, un coffre permettait aux sœurs de ranger les vêtements des malades. Le mobilier d'inspiration médiévale fut reconstitué au siècle dernier, lors de la restauration de la salle opérée à partir de 1875, par Maurice Ouradou, gendre de Viollet-le-Duc.

Cette salle présente un décor somptueux. La charpente en lambris de chêne est en berceau brisé (photo). Les dragons multicolores qui « crachent » les poutres traversières évoquent les monstres de l'enfer. Les visages cocasses de bourgeois de Beaune sont accompagnés de têtes d'animaux qui symbolisent leurs défauts respectifs.

Par endroit, le carrelage du sol arbore le monogramme de Nicolas Rolin et Guigone de Salins (photo). La devise « Seule » qui les accompagne signifie que Guigone était la seule dame des pensées de son mari (photo).

Au-dessus de la grande porte se trouve un remarquable Christ aux liens datant de la fin du XVe siècle et sculpté dans un seul et même fût de chêne. (la photo est ratée…)

La chapelle fait partie intégrante de la Salle des « Pôvres » et symbolise la parfaite symbiose entre l'aspect religieux et médical de l'Hôtel-Dieu. Elle permettait aux pensionnaires d'assister aux offices sans avoir à se déplacer. C'est dans cette chapelle que prenait place à l'origine le fameux polyptyque de Rogier van der Weyden, aujourd'hui présenté à la fin de la visite.

La salle saint Nicolas[ ]

Cette salle (photo) était destinée à accueillir les « Pôvres malades en danger de mort », elle permettait de séparer les malades légers des infirmes et moribonds. De dimensions modestes, elle contenait 12 lits occupés par des malades des deux sexes, ce qui choqua profondément Louis XIV lors de sa visite en 1658. Il établit donc une rente de 500 livres à l'Hôtel-Dieu afin que l'on puisse faire de nouveaux aménagements séparant les hommes des femmes. La présence de deux personnes dans un même lit était le seul moyen de chauffage, nous a dit notre guide. Après on peut discuter sur le mélange ou non mélange des sexes…La rivière la Bouzaise coule sous la salle. Ce cours d'eau assurait l'évacuation déchets en aval, preuve certes du souci d'hygiène qui a présidé à la conception des bâtiments, mais au détriment de l’hygiène générale.

La cuisine[ ]

Elle a fonctionné avec un équipement moderne jusqu'en 1985 pour les pensionnaires de la maison de retraite. Elle a aujourd'hui retrouvé son aspect du début du XXe siècle avec son piano : grand fourneau muni de deux robinets d'eau chaude appelés « cols de cygne" (photo). La vaste cheminée gothique à deux foyers demeure la pièce maîtresse, celle-ci a conservé ses accessoires d'époque. Son âtre est tapissé des fameux carreaux ornés de la devise « Seule »". Le cromale, grande potence articulée, permet de rapprocher ou d'éloigner les chaudrons du feu. Le plus spectaculaire est le tourne-broche de 1698 en acier brossé ; il est habituellement animé par un petit automate, « Messire Bertrand », mais Bertrand était absent…

En quittant la cuisine, on aperçoit, au travers de la grille en fer forgé (1785-1786), la cour des fondateurs avec, derrière l'orme pleureur, les statues de Nicolas Rolin et Guigone de Salins. Les bâtiments fermant la cour abritent l'une des maisons de retraite des Hospices.

La pharmacie[ ]

Au Moyen-Age, chaque établissement hospitalier disposait de sa propre pharmacie puisqu'il n'existait aucune production organisée. La science pharmaceutique était encore balbutiante et avait recours aux ingrédients les plus divers issus du monde minéral, animal et végétal. De nombreuses plantes étaient cultivées sur place dans le jardin dit "des simples" situé à l'arrière de la pharmacie.

Dans la seconde salle de la pharmacie ou officine, les étagères présentent une collection de 130 pots de faïence datés de 1782, dans lesquels étaient conservés les onguents, huiles, pilules ou sirops… Les pots de verre contiennent encore des « spécifiques » dont certains laissent rêveur : poudre de cloportes (photo), yeux d'écrevisses, poudre de noix vomiques, élixir de propriété...

Le polyptyque du Jugement dernier de van der Weyden[ ]

Commandé par le Chancelier Rolin, ce polyptyque du XVe siècle est attribué à l'artiste flamand Rogier van der Weyden. Représentant le Jugement Dernier, il était accroché au-dessus de l'autel dans la chapelle, mais n'était ouvert à la vue des malades que les dimanches et jours de fête.

La salle présente sur le fond à droite le retable fermé : il a été finement découpé pour être détaché et séparé du recto. On est enthousiasmé par les efforts faits pour rendre présentes les œuvres ou pour animer avec des personnages les différentes salles, ce qui aide l’imagination dans son effort. De mêm un dispositif récent permet de voir certains détails du retable invisible à l’œil nu : il s’agit d’une très grosse loupe qui se déplace horizontalement et verticalement et que le guide peut actionner.

Le retable fermé[ ]

Nicolas Rolin et Guigone de Salins, agenouillés en prière, se font face, tandis que sont représentés en trompe-l’œil : l'Annonciation, saint Sébastien (patron de chevalerie du Chancelier) et saint Antoine (patron de l'Hôtel-Dieu et de Guigone de Salins) accompagné de son cochon.

Le retable ouvert[ ]

Le Christ, Juge Suprême, majestueux dans sa robe pourpre. Sa main droite levée, tenant un pied de lys en fleurs, fait signe aux élus. A l'inverse, sa main gauche est abaissée en signe de désapprobation: « Écartez-vous de moi, maudits dans le feu éternel. »

Aux pieds du Christ : les quatre anges annonciateurs du Jugement Dernier entourent l'Archange saint Michel. Resplendissant dans le contraste de sa robe blanche et de son manteau écarlate, le visage impassible, celui-ci pèse les ressuscités. Comme nous le fait remarquer le guide, c’est le même homme qui se trouve sur les deux plateau de la balance, joyeux du côté du bien et affligé à cause de ses péchés sur l’autre plateau.

Panneaux de gauche : à gauche de l'arc-en-ciel, la Vierge implore miséricorde pour les pécheurs ; derrière elle, six apôtres et des saints.

Panneaux de droite : à droite de l'arc-en-ciel, saint Jean-Baptiste et derrière lui, six apôtres et

des saintes.

Bas de panneaux : à la gauche du Christ: les damnés effrayés et désespérés. A la droite du Christ: les bienheureux qui se dirigent vers le Paradis.

Cette salle contient aussi une Tapisserie aux « mille fleurs » qui évoque, par ses techniques et ses couleurs, la fameuse « Dame à la Licorne » du Musée de Cluny, du XVI° siècle. Cette légende raconte qu'Eloy (le futur saint Éloi), trop orgueilleux, a coupé la jambe de son cheval pour le ferrer plus vite et n'a pas pu la remettre.

La salle saint Louis[ ]

Créée en 1661 à l'instigation de Louis Bétault, cette salle fut construite à la place d'une grange qui fermait la cour de l'Hôtel-Dieu. Dans son prolongement se trouvaient les fours des Hospices, destinés à cuire le pain que l'on distribuait quotidiennement aux pauvres rassemblés sous le porche. A partir de 1828 un contrat fut passé avec les boulangers de Beaune qui prirent le relais. Les fours tombèrent en désuétude, permettant l'agrandissement de la salle.

Aux murs sont accrochées de superbes tapisseries. La tenture, tissée à Tournai au début du XVIe siècle, raconte en sept épisodes la parabole de l'Enfant Prodigue. Une autre série de tapisseries de Bruxelles, de la fin du XVIème siècle, évoque l'histoire de Jacob. Une pièce de la même époque représente David apprenant la mort d'Absalon. La collection comprend également une tapisserie d'Aubusson, XVIIe siècle : « La Ronde des jeunes gens » (photo).



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