Le champagne à Écueil

De Entre Amis
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les 22 et 23 mai 2004
rédigé par Joëlle Tainmont

Le travail de la vigne[ ]

La commune d’Écueil comprend quarante exploitants manipulants. Après la guerre, en 1947, les viticulteurs ont constitué une coopérative de pressurage, la mise en bouteille et l’assemblage demeurant l’affaire de chaque viticulteur. Notre hôte et son épouse exploitent 6 ha 80 et produisent 53000 bouteilles par an. Ils sont vignerons depuis quatre générations. Leurs parents produisaient initialement un vin blanc non effervescent et, après la guerre, ils se convertissent au champagne.

Les cépages de la commune sont les cépages que l’on retrouve en Champagne :

pinot noir
il apporte le corps, la structure, la densité, le côté fruit rouge du vin, pour résumer le côté masculin du vin ;
chardonnay
seul cépage blanc en champagne. À la différence du pinot noir, les vins issus de chardonnay seront plus vifs, plus nerveux, plus floraux avec des touches de fruit à chair blanche. Plus en dentelle, dans l’assemblage, il apportera plus de finesse et constituera le côté féminin du vin ;
pinot meunier
le deuxième cépage à peau noire. Ses vins ont des caractéristiques très proches de celles du pinot noir avec un peu plus de vinosité et de profondeur. Dans l’assemblage, ce cépage apportera également de la capacité à vieillir plus rapidement.

Le vignoble s’étend sur la commune : 15 ha d’appellation champagne ont été défrichés il y a 6 ou 7 ans et plantés en meunier, moins fragile sur terre argileuse. Il faut trois ans pour que la vigne plantée produise du raisin.

La vigne réclame des soins constants, qui ne sont que partiellement mécanisés. Sulfatage tous les 10 jours. Quand on relève les fils pour remonter les brins qui sont à terre, on les attache avec des agrafes et la rogneuse, machine qui retire les gourmands, permet de couper tout ce qui repousse. Les vendanges sont faites à la main, la machine est interdite, par respect de la tradition et pour une raison technique : puisque l’on fait du vin blanc avec du raison noir, il ne faut pas que le jus reste en contact avec l’enveloppe, sinon il se colorerait. Il y a cependant des inconvénients : les parcelles, différemment exposées, sont mûres à différents moments. Avec les vendanges à la main, il faut tout faire sur 10 jours (à cause de l’embauche du personnel) ; avec les machines, on aurait plus de latitude, on pourrait vendanger le soir, la nuit et ainsi éviter que le moût ne soit rentré chaud.

On traite contre le mildiou et l’oïdium. On pratique une « lutte raisonnée » : on essaie de traiter avec le plus de respect possible de la nature. Ainsi, contre les araignées rouges, on a fait venir de Bourgogne un insecte prédateur. Pour lutter contre certains insectes, on utilise aussi des hormones qui perturbe le comportement des mâles plutôt qu’un insecticide ; mais ces moyens écologiques ont des coûts.

On laisse l’herbe sur les parties où tournent les tracteurs : c’est un avantage dans la lutte contre l’érosion. Autrefois on épandait les boues des villes mais cette pratique a été interdite. On peut mettre aussi des écorces, de la paille ; on laboure pour que l’eau pénètre. L’herbe est bonne contre l’érosion et elle pompe l’azote qui facilite la pourriture des vignes. Mais il y a aussi des inconvénients : il faut l’entretenir ; de plus, l’herbe concurrence la vigne en puisant dans la terre de bons produits.

Sur l’ensemble de l’exploitation de notre viticulteur travaillent à plein temps quatre personnes : le couple et deux salariés. Il y a des embauches temporaires pour certaines tâches.

La vinification[ ]

La vendange a lieu cent jours après la floraison, le 15 septembre en général. La coopérative presse après la vendange. Il y a un contrôle de la qualité sur la teneur en sucre, pour ne vendanger que les parcelles qui sont mûres. Le viticulteur ne reprend pas sa propre production, puisque tout est mélangé, mais cela ne change rien à la qualité, à cause du contrôle. En revanche, chaque viticulteur fait ses assemblages chez lui. Pour le tirage et l’assemblage, chacun fait son vin. Les petits exploitants, ceux qui ne cultivent qu’un hectare au plus, ont des difficultés pour s’équiper et la coopérative est la solution. Les grosses maisons ont un stock suffisant pour maintenir le même goût final, au fil des ans, par les assemblages. Le producteur moyen, lui, a une production qui variera au cours des ans et donnera un caractère différent.

Après la fermentation, le vin est tiré, assemblé et mis en bouteilles avec des ferments et du sucre ; les ferments mangent le sucre et la réaction produit du gaz carbonique : c’est la prise de mousse. Le dernier tirage a été fait en avril. La loi oblige à garder au moins 15 mois les bouteilles en cave avant de commercialiser. Quand les ferments meurent, il se produit un dépôt : on disposeles bouteilles sur des pupitres où on les remue, soit traditionnellement à la main, soit par des systèmes mécaniques, comme celui que nous voyons ici. Ensuite vient le dégorgement qui permet d’expulser le dépôt. Le liquide perdu lors de l’expulsion du dépôt est remplacé par une liqueur de dosage, mélange de sucre et de champagne. Selon la dose de sucre, on obtiendra un champagne extra-brut, brut, demi-sec ou doux. Chez notre viticulteur, le dégorgement est fait par des entreprises extérieures, spécialisées et équipées, qui en peu de temps, tout en respectant la convivialité traditionnelle des activités, manipulent les 53000 bouteilles de l’année. Puis vient la mise du bouchon fermement maintenu par son muselet et l’habillage de la bouteille qui n’attend plus que son acheteur et ses consommateurs !

En réponse à nos questions, nous apprenons comment est produit le champagne rosé : soit à la vendange, on laisse macérer et le jus se colore, soit au moment du dégorgement, on complète la bouteille avec du vin rouge champenois.

Nous saurons enfin qu’un hectare de vigne coûte à l’achat 5 millions de francs et que la moyenne des exploitations en Champagne a une surface inférieure à 1 hectare.

Lens, le 13 juin 2004.