Pyrénées, de Troumouse et Gavarnie au Monte Perdido (été 2009) littéraire j4
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Refuge espagnol de Goriz (2160 m) par la Brèche de Roland (2807 m) et la grotte Casteret[ ]
Groupe de Patrice : 1 000 m de dénivelée ; 19,2 km ; 8h30 arrêts compris. Groupe de Jean-Luc : 780 m de dénivelée ; 7h30 arrêts compris.
Le responsable du gîte Gypaète a très aimablement proposé un local pour y entreposer nos bagages pendant nos trois jours d’absence. Geste que nous avons particulièrement apprécié et nous l’en remercions encore.
Matinée : montée à la brèche de Roland[ ]
Départ à 7 heures 20 précises du gîte Gypaète de Gavarnie sous l’œil attentif du chef tel l’isard qui scrute, immobile et silencieux. Nous montons les voitures au col des Tentes (2208 m). Grand beau.
Effet euphorisant des Pyrénées sur les BenBistes ? Peut-être ! Qu’ils deviennent très distraits, sûr ! Gilbert remet le titre au pauvre Jacques, tout marri : il a oublié ses chaussures de marche au gîte. Tête du chef ! Aller retour sur les chapeaux de roues ; Jean-Luc l’attend. Ils nous rattraperons… au pas de course !
Marche jusqu’au Port de Boucharo (2270 m), point de passage vers l’Espagne, en suivant la route désormais fermée à la circulation car trop envahie par d’énormes blocs de rochers détachés des talus. Ce soleil du matin sur les pierres et les alpages rend l’ambiance féerique.
Montée au refuge des Sarradets (2587 m), au pied du pic du même nom et face au glacier du Taillon. Nous évoluons dans un éboulis de pierres aux couleurs variables, selon l’oxyde présent et la nature de la roche. Ici, le soubassement profond est granitique, recouvert de calcaires et de schistes coupants. Le chemin est large, à flanc de montagne et grimpe régulièrement mais sensiblement. Moutons, taches blanches des névés et vue sur l’arrière du cirque de Gavarnie, l’ensemble baignant dans le soleil et sous le ciel bleu. Merveilleux ! Puis franchissement acrobatique, presque périlleux pour maintenir les vêtements secs, d’une cascade rageuse engouffrée dans un goulet, aux parois équipées d’une chaîne, rampe d’une grande aide. Magnifique vue sur le fausse Brèche. Un peu de névé avant d’atteindre le refuge vers 10 heures 45. Tout là-haut, la brèche de Roland, porte géante dans cette muraille verticale et écrasante, filtre les passages nuageux montant d’Espagne. Encore 220 mètres de dénivelée, sur une pente très raide, avant de l’atteindre !
Vers la brèche de Roland. Nous suivons la moraine au sol trop meuble constitué de gravillons instables sur lesquels on glisse, puis le névé, plus confortable. Escalade du dernier obstacle et le versant espagnol se dévoile, aride, lunaire. Touristes nombreux ; peu de place pour le pique-nique. Décision est prise d’amorcer la descente.
Début de descente. Deux groupes.
- Celui de Patrice choisit la voie des névés, à l’est de la Brèche, vers la grotte Casteret. Ce fut un peu « hard » avec taille des marches dans les névés assez pentus, à la surface glacée, quelques glissades intempestives, occasion de s’entraîner à la technique de l’araignée pour s’arrêter. Occasion aussi de déclancher des hurlements et des injonctions que nous entendions en écho. Descente très lente pour rejoindre le premier groupe et pique-niquer, heureux de leur aventure mais un peu assommés.
- Pas plus facile pour le groupe de Jean-Luc. Côté espagnol, on trace son chemin. Plutôt on le devine ! Chaos de rochers à contourner avec difficultés dans un pierrier d’un grand inconfort qu’il fallait attaquer de face et descendre presque en courant. La technique intégrée, cela devenait un grand jeu. Pauvres genoux ! Nous avançons encore jusqu’à retrouver enfin un semblant de sentier, dénicher l’endroit idyllique pour se restaurer tout en suivant avec attention et interrogation les évolutions des copains.
Après-midi : descente vers le refuge espagnol de Goriz (2160 m)[ ]
Les groupes se reforment.
- Celui de Patrice monte retrouver le chemin de la grotte de Casteret. Patrice et Alain taillent les marches dans le névé, très pentu. Pas de glissade ! Visite de la grotte, très sombre, repère de chauve-souris et autres oiseaux que la lumière des lampes frontales ont quelque peu dérangés. Le groupe suit un chemin en corniche accroché aux flancs d’un piton rocheux, sous la grotte. Après une contre descente, les dix entament la dernière longue tirée jusqu’au refuge où ils arrivent à 17 heures 30, contents mais fatigués après quelques passages très techniques, confirme Patrice.
- Le groupe de Jean-Luc entame la descente vers la doline<ref name="ftn1">Une doline est une forme caractéristique d’érosion des calcaires en contexte karstique. La dissolution des calcaires de surface conduit à la formation de dépressions circulaires plus ou moins importantes. Leur fond est souvent occupé par des argiles de décalcification ou terra rosa, fertiles et plus ou moins imperméables</ref>, dépression fermée d’origine karstique, et passe sous la grotte Casteret. La tentation est grande d’aller y jeter un coup d’œil. Quelques uns suivent le chef et nous voilà en bien mauvaise posture, accrochés à une falaise, ne sachant ni avancer ni reculer. Chemin rebroussé pour retrouver les prudents au fond de la doline. Traversée interminable de cette cuvette puis remontée sur les mamelons qui se succèdent, tailladés par l’érosion, notamment les eaux atmosphériques riches en gaz carbonique qui burinent cette roche nue et calcaire en profondes cannelures, séparées par des crêtes aiguës et souvent coupantes, formant un paysage de lapié (ou lapiaz mot dialectal originaire de Slovénie). Les lapiés (ou lapiaz) peuvent être couverts ou nus, comme ici, et caractérisent l’étage situé immédiatement sous les neiges permanentes. Dernière grimpette et nous voici au refuge vers 16 heures 30.
Le refuge, tenu par des équipes de jeunes qui se relaient :
- Quelle organisation ! Chacun pioche sa clé qui correspond à un casier et à sa couchette. Casiers ouverts à l’entrée du refuge où on troque les chaussures, interdites dans les chambres, contre des mules et casiers fermés pour loger les sacs, interdits aussi dans les chambres où se superposent trois étages de couchettes. Dans la notre, trois étages de neuf places et Klaus tire le numéro le plus élevé. Matelas vite descendu sur le plancher des vaches.
- Les sanitaires : impressionnants ! A notre arrivée, des ouvriers travaillaient d’arrache-pied et ces baraques en tôle semblaient être les abris de chantier. Deux d’entre elles sont les sanitaires. Dans chacune, une douche, à l’eau glacée de la montagne, trois toilettes surprenantes, quelques robinets et surtout l’odeur. Quelques bonnes crises de fou rire pour surmonter l’inconfort.
- Une bonne trentaine de petites tentes sont installées autour du refuge dans un périmètre bien défini pour ne pas investir la piste d’atterrissage de l’hélicoptère.
- Le refuge ne désemplit pas. Deux services pour le dîner sont nécessaires. Toutes les nationalités se côtoient. Le « look » de certains randonneurs est insolite mais la motivation reste la même : goût de l’effort, dépaysement, recherche du calme, méditation… Expérience sympathique et enrichissante. La bière revigorante est montée jusque là-haut.
Dîner rapide, reconstituant. Vite la position allongée ! Les Dupont-Dupont (Bernard et JJP) s’endorment comme des masses dans le brouhaha ambiant. Deux jeunes anglaises déboulent clamant un « ola » vibrant, mais surprises de tomber dans un nid de français à l’âge avancé, s’évaporent. Les sorties techniques nocturnes furent périlleuses. Quentin qui fit lever son Papy, fut très étonné de trouver la porte du refuge grande ouverte. Accueil oblige.
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