Tour du Mont-Blanc (été 2006) littéraire j6

De Entre Amis
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Vendredi 25 août : depuis Champex-Lac jusqu’au gîte d’étape de Le Peuty (1326 m), en passant par le Trient[ ]

Deux options possibles :

  • par la Fenêtre d’Arpette (2671 m), 7 h 15, +1200 m, -1339 m ;
  • en passant par les alpages de Bovine (1937 m), 5 h 25, + 657 m, -797 m.

Dans notre dortoir, panne de réveil, j’avais trop bien fermé les volets. Je vois bien un raie de lumière depuis un moment, mais Jean-Pierre, qui, d’habitude, est réveillé tôt, continue à dormir, donc ce n’est pas l’heure. Mais Jean-Luc, en riant, entre dans notre dortoir : ils sont déjà en train de prendre leur petit déjeuner. Branle-bas de combat ! mais tout est préparé la veille et nous avons de l’entraînement, et nous rattrapons notre retard...

Départ groupé à 7 h 45. Rapidement, deux groupes se séparent. La « bande des Cinq » prend la direction de la fenêtre d’Arpette, l’autre groupe va passer par les alpages de Bovines.

La montée vers la Fenêtre de l’Arpette est douce jusqu’au gîte d’étape d’Arpette, puis progressivement, elle devient de plus en plus rude. Mais le problème est surtout psychologique : pratiquement depuis le départ, on voit l’échancrure que constitue la Fenêtre dans la barrière rocheuse ; elle paraît bien loin et bien haute et on la voit toujours, et elle recule de plus en plus à mesure qu’on avance, sans grossir beaucoup ; alors, il faut décider de ne plus la regarder, et de marcher en regardant le chemin, les Aiguilles d’Arpette, le glacier d’Arpette, les fleurs, les roches... J’ai déjà fait une fois le Tour du Mont Blanc, quand j’étais vraiment « jeune » ( il y a près de quarante ans), je n’en ai gardé aucun souvenir visuel, mais l’Arpette, dès que je l’ai vue, je l’ai reconnue ! Alors, il faut marcher, tranquillement ; le chemin, malgré sa réputation, est assez fréquenté : un groupe de japonais, une famille française déjà rencontrée, un groupe accompagné d’un guide. Catherine saigne du nez, à cause peut-être de l’altitude ; puis elle n’apprécie pas vraiment les blocs de pierre qui finissent par remplacer le chemin, chaque pas est ponctué d’un juron, j’éloigne mes oreilles chastes. Daniel reste avec Catherine et je vais rejoindre les jeunes vers l’avant : nous nous amusons à chercher le chemin, car pour la dernière grimpette qui nous hisse dans la fenêtre ouverte, chacun tente sa chance par un itinéraire qu’il invente, il n’y a que quelques balises sur de gros blocs, de loin en loin. Finalement, victoire ! la Fenêtre est saupoudrée d’un peu de neige tombée la nuit, neige qui tient un peu sur le versant Nord que nous descendrons. Du côté Sud, la vue plonge sur l’itinéraire parcouru, de l’autre, la pente semble beaucoup plus vertigineuse ; finalement nous sommes monté par le côté « facile ». Daniel et Catherine nous rejoignent. Photo et re-photo dans la Fenêtre. Nous trouvons un petit espace pour nous poser ensemble et pique-niquer, au sommet, mais à l’abri du vent.

Puis nous prenons la descente qui, finalement, ne mérite pas, non plus, sa mauvaise réputation : le chemin existe, il a été redessiné ; bien sûr, une ou deux fois il faut mettre les mains, c’est bien froid, il y a un peu de neige, en haut ça glisse un peu, mais le sentier s’améliore et, au moins de ce côté, il est non seulement balisé mais tracé beaucoup mieux qu’à la montée sur l’autre versant. Mais surtout, le paysage est fantastique : nous avons vue, à gauche, sur le glacier du Trient qui semble à portée de main ; des cascades s’en échappent en bondissant et se précipitent dans la vallée où elles alimentent le torrent. Nous avons conscience d’être des privilégiés, car, finalement, nous n’avons faits que de petits efforts au regard de ce qui nous est donné.

Après quelques haltes de regroupement, où nous croisons et recroisons la famille française et ses deux filles un peu fo-folles, nous arrivons à la rivière. Petit crochet pour voir le torrent de près. Nous décidons d’y faire une bonne pause au soleil bien généreux : jeux d’eau dans le torrent, photos sur les cailloux. Nous partageons nos dernières provisions. Mais il faut repartir, Jean-Luc risque de s’inquiéter si nous tardons trop.

Nous traversons le torrent au gîte d’étape de la prise de Bisse et nous choisissons le chemin fléché, qui suit une petite route, pour délaisser la route plus importante de la rive droite. Erreur. Car Jean-Michel et Nathalie ont décidé de venir à notre rencontre, et ils remontent la rive droite. Heureusement, Daniel les aperçoit par hasard, à travers une trouée dans les arbres : grands cris, mouvements de bras, nous nous reconnaissons réciproquement et nous décidons de les attendre. Ils doivent remonter jusqu’au pont et descendre notre chemin, en nous maudissant de ne pas avoir choisi la rive droite. Mais finalement, la jonction a lieu et nous repartons ensemble gentiment jusqu’au gîte d’étape de Le Peuty (1326 m), où les copains sont arrivés depuis une bonne heure.

Nous nous racontons réciproquement notre journée. Nous frimons un peu avec notre Arpette. Eux nous racontent brièvement leur journée : après la séparation des deux groupes à Champex-Lac (1498 m), ils sont descendus à Champex-d’en bas (1359 m), sont passés au Plan de l’Au (direction ouest), sont remontés jusqu’à Bovine (1987 m) et Portalo (2049 m) ; puis descente vers Les Réblos, traversée de la combe des Faces et descente sur La Forclaz (1526 m), puis remontée de la vallée du Trient et traversé de la rivière pour arriver au gîte d’étape de Le Peuty.

Les copains sont donc déjà installés, certains sont partis au village pour faire les courses. Le gîte n’est pas gardé, nous devons préparer notre repas du soir, notre petit déjeuner, et prévoir le ravitaillement du repas de midi pour les étapes suivantes, comme tous les deux-trois jours. Il y a, au rez-de-chaussée, une grande cuisine avec du matériel pour collectivité, une douche toujours au rez-de-chaussée, dans une pièce un peu fraîche, mais bien grande, et au 1° étage, dans le grenier, deux niveaux de bas flanc. Nous sommes installés sur ceux du bas, il faut quand même ne pas trop s’étaler a dit très justement Marie-Charlotte, pour laisser la place à d’autres randonneurs éventuels. Finalement, seule la dame allemande déjà rencontrée à Bertone, et qui randonne toute seule, se présente ; du coup je m’installe en haut, il y a plus d’espace et surtout je ne crains pas de me cogner au lit du dessus. Jean-Luc, toujours galant, invite la dame à partager notre repas. Pauline s’installe à côté d’elle pour lui faire la conversation en allemand, car nous ne parlons pas l’allemand et elle ne parle pas le français ; elle est, semble-t-il, un peu étonné par la volume sonore que nous émettons dans cette cuisine au moment de l’apéritif. Jean-Luc et Marie-Charlotte sont allés faire les courses au village et nous ont préparé des pâtes avec de grosses saucisses : les ressources de l’unique épicerie du village sont limitées, mais c’est bon et réconfortant. Ensuite, vaisselle, préparation de la table pour le petit déjeuner.

Après la vaisselle, nous partons au village, pour voir le passage des coureurs de l’Ultra Trail : le village est point de ravitaillement et de contrôle. Nous nous renseignons : il y a deux parcours, le « petit » qui part de Courmayeur et arrive à Chamonix, soit environ 80 km ; nous sommes sur ce petit parcours, où il y a 1000 participants, et le village, comme l’annonce la banderole, se trouve au km 63 ; le « grand parcours » fait la boucle Chamonix-Chamonix, 132 km, et 1500 participants sont inscrits. Ici, une salle ouverte et bien éclairée avec le matériel adéquat sert de salle de kiné ; les soins sont proposés aux coureurs quand ils passent, un peu hagards de se retrouver au milieu du monde (c’est relatif) et dans la lumière, alors qu’ils sortent de la nuit et de la solitude ; certains de notre groupe voudraient bien se faire masser car le kiné est une jeune kiné-e. Les personnes qui font la sécurité sont des gens du village. Nous discutons sur la course, les itinéraires pour notre randonnée. Une grande tente blanche, de ravitaillement et de contrôle, est installée à la sortie du village vers l’amont : un système informatisé permet d’annoncer par haut parleur l’approche de tel coureur, puis son temps de course quand il passe au contrôle, ou de mesurer le temps d’arrêt, etc... Nous nous renseignons encore : les coureurs que nous voyons passer sont classés entre la 25° et la 30° position ; nous apprenons avec joie que c’est une femme qui est en tête, puis que la seconde femme va bientôt passer, en 30° position ; les parents, amis, les supporteurs, les fans, bref, ont l’habitude d’escorter en courant leur champion quand il passe dans un lieu de contrôle. Nous avons trouvé notre championne, nous remontons jusqu’à l’entrée du village et nous courons à côté d’elle en applaudissant, elle a l’air un peu étonnée d’avoir un tel fan club imprévu, mais nous aurons plusieurs fois la confirmation que les coureurs sont encouragés par l’accueil qui leur est fait. Certes, ils sont un peu fous, mais c’est une maladie contagieuse, il me prend l’envie de courir... L’année prochaine, c’est promis, Pierrot et moi nous nous inscrivons à l’Ultra Trail (petit parcours... nous sommes modestes) : lui fera les montées et moi les descentes ! pour arrêter nos délires, Marie-Charlotte donne le signal du retour vers le gîte, mais là, on peut courir sur la route, et ça n’est pas très long !

Nuit bonne dans le dortoir.