Tour du Mont-Blanc (été 2006) littéraire j2
Lundi 21 août : depuis le refuge du col de la Croix du Bonhomme jusqu’au refuge Elisabetta Soldini (2195 m)[ ]
Dénivelées : + 1020m, -1240 m ; temps de parcours prévu : 6 h 30.
Réveil et lever une demi heure trop tôt dans notre chambrée. Dehors, brouillard.
Brouillard quand nous partons, à 7 h 45. Nous remontons au Col de la Croix du Bonhomme. Puis en file indienne et par la variante du TMB, nous montons au col des Fours (2665 m). Il était prévu de monter à la Tête Nord des Fours (2756 m), mais le brouillard nous en empêche. Si nous étions partis un peu plus tard, peut-être...
Un ordre de marche s’est progressivement établi et s’est plus ou moins stabilisé : en tête les jeunes, Pierrot et Gauthier ; Gilbert a d’abord accroché ce groupe, et assez rapidement, il est revenu dans le gros des troupes ; Pauline, tantôt avec les garçons, ou avec moi, mais souvent aussi avec la troupe ; je prends place derrière les garçons dans les montées, mais m’offre quelques petits plaisirs dans les descentes. Tout le monde est bien discipliné : aux carrefour, nous attendons. Souvent Jean-Pierre et Angéline ferment la marche en devisant. Mais l’arrière est une place très convoitée, qui subira des bouleversements... mais revenons à notre 2° jour de marche.
Rencontre dans la descente : nous saluons un grand homme, probablement du Nord (de l’Europe), blond, barbu, jovial, aux yeux bleus et aux joues rougies par le vent, dont le corps sort à peine d’un gros duvet : il est en train de prendre son petit déjeuner, après avoir passé la nuit à la belle étoile. Je ne sais quelle langue il parle, mais lui et moi, on fait un brin de causette, je lui demande l’autorisation de le prendre en photo, il acquiesce avec un sourire splendide, et bonne journée !
Nous descendons jusqu’au hameau dit la Ville des Glaciers (1780 m), groupe de chalets de bergers, sur la rive droite du Torrent des Glaciers, face à l’Aiguille des Glaciers. Nous y retrouvons le TMB. Fromagerie. Petite pause pour caresser un veau dans une espèce de niche. Nous traversons le torrent des Glaciers et en le remontant, nous arrivons au chalet refuge des Mottets (1870 m) où Jean-Luc nous montre un petit dortoir dans une bergerie reconvertie, ce qui vaut comme leçon de sagesse : ne nous plaignons pas de nos conditions d’hébergement, il y a bien plus rustique... Soit.
Après la pause aux Mottets, le chemin grimpe raide, pour arriver au col de la Seigne (2516 m). Nous pique-niquons dans la montée, avec un beau panorama sur la vallée du Torrent des Glaciers et sur le glacier des Glaciers (sic). En tournant un peu plus la tête, nous avons une vue rétrospective sur l’itinéraire de descente depuis le col des Fours jusqu’à la Ville des Glaciers.
Ensuite, la montée offre, de l’autre côté, un panorama splendide, lorsque le Mont Blanc (de Courmayeur, le Mont blanc italien) se dévoile progressivement. Le col de la Seigne est un col frontière entre la France et l’Italie, situé sur la ligne de partage des eaux entre la Méditerranée et l’Adriatique. Son nom vient du bas latin « sancia » qui signifie « prairie marécageuse ». Dans l’Antiquité, une voie consulaire « Cremonis jugum » permettait un accès direct avec la cité de Vienne en Isère. La montagne de la Seigne est située sur la ligne principale de la chaîne alpine, entre la Vallée de l’Aoste et la Tarentaise.
Vues admirables, depuis le col, sur le versant italien du Mont Blanc, avec les arrêtes aériennes du Brouillard et de Peuterey, les élégantes Aiguilles des Dames Anglaises. Nous descendons à une allure vive, pour nous réchauffer, car il y a beaucoup de vent au col. Nous sommes maintenant sur le versant italien et rejoignons l’itinéraire « alta via n°4 », tronçon commun avec le TMB jusqu’à Courmayeur. Les « alte vie » sont des itinéraires de randonnée créés dans les années 80-90 par les services du tourisme du Val d’Aoste. Nous visons le refuge Elisabetta Soldini (2195 m), du nom d’une alpiniste décédée en montagne.
Le refuge est planté sur une croupe rocheuse, dans un site extraordinaire, sous l’Aiguille des Glaciers, les glaciers de la Lée Blanche et le glacier d’Estelette (le plus petit).
L’arrivée au refuge nous offre une vue splendide sur les sommets et les glaciers encore bien ensoleillés, mais je n’ai plus de pile pour faire des photos. La recharge au refuge du col de la Croix du Bonhomme a été succincte, car ce refuge, comme d’ailleurs tous les autres, est obligé de produire sa propre électricité. Ici, pour arriver au refuge, il y a une petite grimpette terminale, si on ne connaît pas le passage direct depuis le sentier amont. Mais on est récompensé : les trois glaciers descendent du Mont Blanc et se rejoignent au-dessus du refuge. On voit très bien l’extrémité de la langue glacière, les séracs, les crevasses, les moraines. Vent frais.
Installation un peu difficile sur le bas flanc du dortoir où nous sommes rangés comme des sardines dans une boîte trop courte pour faire tenir à plat les plus grandes sardines. Il ne faut pas non plus avoir de grand pied, car le toit en pente rejoint la couche à l’endroit où devraient pouvoir se trouver les pieds, qui ont, quand même, besoin de toute notre sollicitude. Nous avons « droit » à des places sur le bas flanc d’en face. Mais les occupantes, qui voyagent en faisant porter leur sac par un sherpa, sont peu aimables et aimeraient avoir toute la place pour elles ; Jean-Luc décide de leur donner comme compagnie Jean-Michel. Pour laisser un peu de place aux copines, j’essaie de m’installer près de ces dames peu sympa ; l’un d’elles exige d’avoir comme voisin une voisine ; j’ai vraiment envie de lui coller Jean-Michel, mais pour différentes raisons, je préfère revenir près des copines. Mais la nature humaine ayant horreur du vide, je dois faire preuve de diplomatie pour récupérer de la place. Bref je dormirai cette nuit-là les bras enlacés autour d’un poteau de bois, ce qui fait rigoler Pauline. Quelle jeunesse...
Jean-Michel et Nathalie, partis plus tard des Contamines, nous rejoignent au refuge. Ils ont parcouru quasiment deux étapes en une journée. Jean-Michel s’en ressentira un peu pendant quelques jours.
Après l’installation, il reste encore du temps avant le dîner. J’ai envie de voir ces glaciers de plus près. Nous formons une expédition, avec Daniel comme chef, Marie-Jo sans sac et Catherine sans bâton. Nous prenons un sentier, qui bientôt se perd dans les cailloux du torrent. Daniel nous fait traverser une première fois ce torrent, nous remontons vers le glacier, mais il est encore loin ; finalement, nous abandonnons notre objectif, nous faisons des photos, des moutons viennent nous rendre visite. Il nous faut repasser le torrent une seconde fois ; sans problème, Daniel nous trouve un passage. Marie-Jo court comme un cabri et Catherine ne regrette pas longtemps ses bâtons. Nous rentrons alors que le jour commence à bien baisser, ravis de notre petite expédition.
Le repas nous est servi rapidement, dans une petite salle un peu à part : minestrone servi par un élégant serveur italien ; escalope grillée, purée, salade composée, fruit. Mais il faut vite laisser la place à des allemands affamés. Puis nous regagnons la boite à sardines.