Pays basque (été 2012)/littéraire/j1

De Entre Amis
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Dimanche 8 juillet, l’Océan et la Montagne, le Jaizkibel (547 m)[ ]

Le mot de Patrice :

Ce circuit est l’occasion de relever trois aspects de l’histoire du Pays basque :

  • l’aspect rural très connu ;
  • l’aspect maritime ; autrefois, Pasaia était un port de pêche à la morue très important. Les espagnols sont d’ailleurs très friands de morue. Du XVIe au XVIIIe, c’était aussi une base très importante des corsaires basques − il paraît que la boucle à l’oreille des marins améliore la vision !
  • l’aspect industriel, qui s’est développé à la fin du XIXe et au début du XXe siècle notamment dans la Biscaye autour de Bilbao avec l’exploitation des mines de fer, les activités métallurgiques, les constructions navales, etc. D’ailleurs, dans cette province, la langue basque est parlée de façon très minoritaire, car, si les premiers ouvriers étaient des ruraux basques, à partir de la fin du XIXe siècle, les basques devinrent souvent des employés, cadres, patrons et les ouvriers furent des migrants de Castille et d’Andalousie. Actuellement, dans la province de Gipuzkoa où se situe notre circuit, Pasaia est un port d’exportation de voitures fabriquées en Espagne.

Le Jaizkibel est le dernier sommet occidental des Pyrénées, en retenant la définition habituelle des Pyrénées par le caractère d’isthme montagneux entre la Méditerranée et le golfe de Gascogne. La cordillère cantabrique présente une structure géologique similaire à celle des montagnes basques où nous randonnons, mais n’est pas considérée comme faisant partie des Pyrénées.

Matinée[ ]

9 heures 45, les chauffeurs garent les voitures au parking du port de Pasaia (Pasaia en basque ou Pasajes en espagnol), après une heure de route (50 km), en passant la frontière à Béhobie pour éviter Hendaye et ses embouteillages chroniques. Pasaia est dans la continuité urbaine de San Sebastián. Dans l’enceinte du port, une quantité importante de voitures neuves bien rangées attendent le départ pour l’exportation.

Pasaia était un point de départ de l’immigration basque vers les USA, l’Amérique du Sud et autres destinations. C’est aussi de Pasaia qu’en 1777 Lafayette partit pour la première fois en Amérique, Louis XVI ayant alors interdit, au moins officiellement, aux officiers français de rejoindre les insurgés américains.

La randonnée démarre dans les ruelles qui longent le port, bordées de maisons étroites, très anciennes, tassées les unes sur les autres, aux balcons abondamment fleuris et blasons sculptés sur les façades. Des passages couverts se succèdent. Sous l’un d’eux, nous passons devant la maison où séjourna Victor Hugo, très encensé dans la ville. Nous constatons qu’ici l’architecture et les couleurs ne sont pas les mêmes que dans le Labourd. Nous passons devant une minuscule chapelle, ex-voto de grâce qui commémore la bataille de Roncesvalles (Roncevaux) contre Charlemagne.

Nous attaquons une sérieuse grimpette sur une falaise surplombant le port et son chenal. Halte à son sommet pour admirer la côte espagnole dentelée. Nous continuons à travers une flore exubérante de fougères hautes, d’ajoncs et mille autres variétés de plantes. Puis le sentier se découvre et s’ouvre sur la lande avec ses troupeaux de brebis.

Vers 13 heures 30, nous atteignons le sommet du Jaizkibel, au point géodésique de 547 m. S’y côtoient des vestiges d’un fort datant de la troisième guerre carliste, celle de 1872-1876 (sur les guerres carlistes, voir à la fin de cette page) et, plus modernes, des antennes de transmission.

Le Jaizkibel, montagne de la province espagnole du Gipuzkoa se dresse face à Hendaye, séparant San Sebastián et Fontarrabie. Sa crête était jadis d’un grand intérêt stratégique, formidable lieu d’observation utilisé notamment lors des guerres carlistes, avec des tours du guet à côté desquelles nous passons. Sur ses flancs, quelques fermes éparses contrastent avec le triangle urbanisé Hondarribia-Hendaye-Irun à l’est et les zones industrielles de Pasaia à l’ouest.

Un vieux dicton dit que « lorsque le Jaizkibel met son chapeau, c’est signe de grand vent ». Les avertis, paysans, campeurs, ou abonnés à la plage surveillent son sommet. Effectivement, cette couronne de nuages qui ceint son sommet annonce un coup de vent subi et violent l’Embata, vent du sud qui a brutalement tourné à l’ouest.

Pique-nique à l’abri des murailles de la forteresse, car un vent très frisquet s’est levé. Pulls et K-way sont enfilés. Ça babelle toujours rougne le chef.

Après-midi[ ]

Avant d’entamer la descente, coup d’œil sur le paysage qui s’éclaircit un peu :

  • une arête du Jaizkibel plonge sur Fontarrabie ;
  • sur l’autre rive de la Bidassoa, l’immense baie d’Hendaye ;
  • au loin, le phare de Biarritz et le cordon blanc des plages landaises ;
  • de l’autre côté, vue sur la baie de San Sebastián, la Rhune et les Trois Couronnes.

Retour par le même chemin, mais pour couper la boucle du matin qui suivait la croupe, Patrice propose quelques centaine de mètres sur la route, bien en file indienne, côté droit, selon la législation. La route passe sur un replat au-dessus d’un ravin. Complètement effondrée, elle a été fraîchement refaite et Patrice est tout étonné de la retrouver. Après une brève halte à l’ombre, nous plongeons sur le port, en ligne droite, sur une pente cimentée, courte mais très raide. Les genoux souffrent et Ghislaine doit être soutenue pour alléger la douleur. Nous retrouvons les ruelles et la place très ensoleillée. Sans le savoir, nous sommes passés devant la « Casa Camara », excellent restaurant !

17 heures, nous retrouvons les voitures. De l’avis général ce fut une très belle balade, tranquille et les trois juniors, François, 9 ans, Marine et son cousin Gauthier, 12 ans, ont marché comme des chefs. Infatigables, ils ont terminé la soirée dans la piscine.

Avant de rentrer, arrêt aux ventas de Béhobie pour l’achat de l’incontournable turrón, entre autre, car tout s’y vend.

19 heures 30, direction restaurant où un excellent dîner nous attend : melon accompagné d’un jambon du pays moelleux, délicieux, suivi d’un pavé de saumon à la crème de piment et d’une ratatouille goûteuse et enfin, un fromage d’ici et une crème caramel.

La soirée se termine par la présentation d’un film sur le Pays basque, assez exhaustif, qui aiguise les envies.

Les promoteurs d’une entité basque ne s’en tenant pas aux délimitations politiques et administratives actuelles la présentent comme constituée de 7 provinces :

  • trois françaises dans le département des Pyrénées Atlantiques : le Labourd (Bayonne), la Soule (Mauléon-Licharre) et la Basse Navarre (Saint-Jean-Pied-de-Port) ;
  • trois provinces espagnoles qui composent la « Communauté autonome basque » : le Gipuskoa (San Sebastián), la Biscaye (Bilbao)et l’Alava (Vitoria) ;
  • la « Communauté Forale de Navarre » (Pampelune).Il faut noter que majoritairement, les Navarrais ont choisi de constituer une communauté autonome indépendante de la « Communauté autonome basque ».

Similitude étonnante entre drapeau basque et drapeau britannique. Ce dernier fut choisi comme exemple ; à la fin du XIXe siècle, le développement industriel du pays basque espagnol a bénéficié de liens très forts avec le Royaume Uni ; les nationalistes basques dont le mouvement naissait, et qui ont créé ce drapeau basque, étaient très anglophiles.

À propos des rapports actuels entre le nationalisme basque et l’Etat espagnol une normalisation plus ou moins chaotique se met en place ; récemment, les mouvements indépendantistes ont renoncé à la lutte armée.

Les guerres carlistes furent des conflits entre divers prétendants à la royauté espagnole. Ces enjeux de pouvoir politique s’articulèrent de façon complexe à des oppositions entre libéralisme et traditionalisme. En 1833, le roi Ferdinand VII meurt, laissant une fille Isabelle à laquelle il a voulu que la couronne soit transmise. Les partisans de l’accession de son frère Carlos à la royauté se réclament de « la loi salique »éliminant les femmes de la succession au trône. La veuve de Ferdinand VII exerce la régence au nom de sa fille Isabelle II et, pour bénéficier de soutiens, fait des concessions aux libéraux ; son gouvernement prend des dispositions centralisatrices. Les carlistes s’appuient sur la petite noblesse opposée au monde moderne et une Église qui pourra être qualifiée plus tard d’intégriste ; ils captent aussi le désarroi d’une paysannerie petite et moyenne en voie de prolétarisation et voyant une protection dans les communautés traditionnelles et les droits (les fueros) qui avaient été conférés à celles-lors de la Reconquête contre les musulmans. Avec ces protagonistes et leurs descendants, trois guerres carlistes ont eu lieu, de 1833 à 1840, de 1845 à 1849, puis de 1872 à 1876.


J’ai découvert que cette tradition du rouge, couleur incontournable des bérets et ceintures portés par les basques, remontait à l’époque des guerres carlistes. En effet, les requetes, nom donné aux combattants carlistes, mal équipés, sans uniforme, teignaient bérets et ceintures en rouge pour se reconnaître.

Le parcours[ ]

Météo : chaleur lourde, mais ciel gris et horizon voilé.
Durée : près de 7 heures, en comptant les arrêts.

  • Longueur de l'itinéraire : 17 km
  • Dénivelée positive cumulée : 550 m
  • Dénivelée négative cumulée : 550 m
  • Altitude maxi : 550 m
  • Altitude mini : 0 m
  • Altitude moyenne : 260 m